Procès verbal de Gendarmerie

GENDARMERIE NATIONALE
Légion
de Bretagne
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Compagnie
des Côtes-du-Nord
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Section de Guingamp
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Brigade
de Belle-Isle-en-Terre
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n°648 du 6 avril 1944
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Procès-verbal constatant les recherches des nommés TILLY et LAGADEC, de LOUARGAT, à la demande de la Feldgendarmerie de PLOUARET.

Ce jour six avril mil neuf cent quarante quatre à neuf heures.

Nous soussignés LE CORRE, Gustave et MORIN, Antoine, gendarmes à la résidence de Belle-Isle-en-Terre département des Côtes-du-Nord, revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos chefs, à notre caserne, nous avons été prévenus téléphoniquement par la FELDGENDARMERIE de PLOUARET, que les nommés TILLY, Armand et LAGADEC, Eugène, demeurant au bourg de LOUARGAT, recherchés par l'autorité Allemande, s'étaient enfuis la nuit dernière, vers une heure, au moment où les militaires de la Feldgendarmerie s'apprêtaient à les appréhender. Ces deux jeunes gens avaient réussi à s'enfuir par une lucarne, qui se trouvait à proximité du palier du premier étage et donnant sur la cour, derrière la maison d'habitation.
Les militaires de la Feldgendarmerie nous ont prescrit de procéder immédiatement à la recherche de ces deux individus, de concert avec eux.
Nous nous sommes rendus immédiatement sur les lieux, après avoir rendu compte à notre Commandant de Section ainsi qu'à l'autorité Allemande stationnée à BELLE-ISLE-EN-TERRE.
A notre arrivée la maison des TILLY et LAGADEC, étaient gardées à vue par cinq militaires de la Feldgendarmerie de PLOUARET. Nous nous sommes mis immédiatement à la disposition de l'adjudant, qui était chargé de la direction des recherches et ce gradé nous a prescrit de procéder à une enquête en vue de découvrir les fugitifs.
Nous avons aussitôt procédé à des recherches minutieuses dans les différentes maisons du bourg de LOUARGAT, susceptibles d'héberger les TILLY et LAGADEC. Nous avons également fouillé dans les dépendances de ces diverses maisons, ainsi que dans les jardins et champs avoisinants le bourg, mais nos investigations sont restées sans résultat et aucun indice permettant de découvrir leur refuge n'a pu être recueilli.

Nous nous sommes livrés une enquête de voisinage et avons recueilli ce qui suit :
A onze heures, Madame TILLY, Armand, née LAGADEC Clémence, âgée de 26 ans, ménagère, demeurant au bourg de LOUARGAT, née le 8 avril 1918 à PLUZUNET, de feu Jean et de LE GUERN, Francine déclare :
"Ce matin 6 courant, vers 2 heures, j'ai entendu frapper à la porte d'entrée de la maison d'habitation. Je suis allée à la fenêtre et j'ai vu plusieurs militaires de l'Armée d'Ocupation, qui stationnaient devant mon domicile. Mon mari TILLY Armand, s'est également levé et croyant que ces militaires le recherchaient, s'est habillé et s'est enfui par une grande lucarne donnant sur la cour. Mon frère LAGADEC, Eugène, qui couchait dans une chambre contiguë à la mienne, a également suivi mon mari.
Quand les militaires se sont présentés dans ma chambre au premier étage, j'ai constaté qu'ils cherchaient après mon mari et non après mon frère.
Je ne comprends pas pourquoi ces deux derniers se sont enfuis, vu qu'il n'y avait aucune recherche contre eux, par une autorité quelconque. Mon mari était en situation régulière et je ne l'ai jamais entendu dire qu'il aurait reçu une convocation quelconque pour aller travailler, soit en France ou en Allemagne. Quant à mon frère LAGADEC, Eugène, j'ignorais totalement dans quelle situation il se trouvait.
Mon mari TILLY, Armand répond au signalement suivant :
Âgé de 27 ans, taille 1M65, corpulence assez forte, cheveux noirs, vêtu d'un bleu de travail, chaussé d'une paire de chaussons.
J'ignorais quelle tenue portait mon frère lorsqu'il s'est enfui Il répond au signalement suivant :
Âgé de 27 ans, taille 1M72 environ, cheveux châtain foncé.

ETAT CIVIL DE TILLY, Armand.
TILLY, Armand, âgé de 27 ans, manoeuvre, demeurant au bourg de LOUARGAT, né au lieu dit le 11 juin 1918, des feus Fiacre et MORVAN, Clémentine, marié, un enfant.

ETAT CIVIL DE LAGADEC, Eugène.
LAGADEC Eugène, mécanicien, demeurant au bourg de LOUARGAT, né à PLUZUNET le 15 mars 1917, de feu Jean-Marie et de LE GUERN, Francine, célibataire."
Lecture faite, persiste et signe.

A onze heures cinquante : BONNIEC, Emile, âgé de 23 ans, ouvrier au service du ravitaillement, demeurant au bourg de LOUARGAT, né au lieu dit le 24 mai 1921, déclare :
"Ce matin, vers une heure trente, j'ai entendu frapper à la porte d'entrée de la maison. J'habite au rez-de-chaussée et au moment où j'allais ouvrir, j'ai vu Madame TILLY, qui s'apprêtait également à ouvrir la porte. Deux militaires de l'Armée d'Occupation sont entrés dans le couloir et m'ont demandé si je ne connaissais pas Monsieur TILLY. Je leur ai dit qu'il habitait au premier étage, mais que j'ignorais où il se trouvait actuellement. Comme je pars très tôt le matin pour me rendre à mon travail et que je rentre très tard le soir, je n'avais jamais l'occasion de voir cet homme. Je n'ai jamais su qu'il faisait l'objet d'une recherche quelconque, soit par l'autorité Française ou Allemande.
Je connais également LAGADEC, Eugène, qui réside chez sa soeur Madame TILLY Il m'arrive de le voir assez souvent au cours de mon travail.
je ne puis vous dire pour quelle raison, ces deux hommes se sont enfuis de leur domicile. A mon avis ils ont eu peur d'être ramassés par la troupe d'occupation. Je n'ai jamais su dans mon entourage, qu'ils étaient recherchés pour un motif quelconque.
Je n'ai pas entendu ces hommes sortir cette nuit de la maison, d'ailleurs il m'était impossible de les entendre, vu qu'ils ont sauté par la grande lucarne qui se trouve dans l'escalier, au dessus du premier étage.
je ne puis vous donner aucun renseignement concernant la direction prise par eux, ainsi que leur refuge actuel.
Je ne connais personne dans le pays susceptible de les héberger."
Lecture faite, persiste et signe.

A douze heures trente, RUMIAC, Jean, âgé de 35 ans, bourrelier, demeurant au bourg de Louargat, né à PEDERNEC le 27 mai 1908, déclare :
"La nuit dernière vers 1 heure 30 ou deux heures, j'ai été réveillé par des personnes qui se trouvaient devant mon habitation. J'ai écouté attentivement et su par leur langage, que c'était des militaires de l'Armée d'Occupation. Pensant qu'ils étaient en service, je ne me suis pas levé et c'est seulement ce matin vers 7 heures 30 que j'ai su que les militaires de la Feldgendarmerie cherchaient après TILLY, Armand. J'ai su par la suite que ce dernier s'était enfui en compagnie de son beau-frère LAGADEC, Eugène.
J'ignore pour quel motif ces deux jeunes gens ont quitté leur domicile, car je n'ai jamais su qu'ils étaient recherchés par une autorité quelconque. LAGADEC, Eugène résidait chez sa soeur Madame TILLY, et il m'arrivait de le voir assez souvent. Quant à TILLY, Armand, il y a bien un an que je ne l'ai pas vu et ignore totalement où il travaillait.
Je ne puis vous dire où que ces deux hommes auraient pu se réfugier, ne connaissant aucun membre de leur famille."
Lecture faite persiste et signe.

A treize heures quinze, Madame Vve RIOU, née COLVEZ, Marie, âgée de 56 ans, ménagère, demeurant au bourg de LOUARGAT, née au lieu dit le 10 décembre 1887, déclare :
"Cette nuit vers une heure, j'ai été réveillé par des bruits provenant de dehors. Au même moment j'ai entendu frapper à ma porte et deux militaires de l'Armée d'Occupation son entrés à mon domicile. Ils m'ont demandé où était TILLY, je leur ai dit que je ne le connaissais pas. Par contre, je connais très bien LAGADEC, Eugène, mais à aucun moment ces militaires m'ont demandé après lui.
J'ignorais que ces deux hommes s'étaient enfuis de leur domicile et ce n'est que ce matin, que j'ai appris cette nouvelle dans le bourg.
Je ne puis vous donner aucun renseignement vous permettant de découvrir le refuge actuel de LAGADEC, et TILLY."
Lecture faite persiste et signe.

Poursuivant notre enquête, nous sommes rendus au domicile de Madame LAGADEC, mère et belle-mère des fugitifs, au village de KERHOEN en SAINT-ELOI-LOUARGAT. Malgré toutes les recherches effectuées à son domicile et les dépendances nous n'avons pu découvrir aucune trace ni aucun indice nous permettant de les retrouver Nous avons également fouillé tous les champs environnants, mais nos investigations sont restées sans résultat.

A treize heures qurante-cinq, Madame LAGADEC, née LE GUERN, âgée de 55 ans, demeurant au village de "KERHOEN" en SAINT-ELOI-LOUARGAT, déclare :
"J'ai été très surprise ce matin, en apprenant que mon gendre TILLY, Armand et mon fils LAGADEC, Eugène, s'étaient enfuis de leur domicile au bourg de LOURGAT, la nuit dernière vers une heure trente.
Les militaires de l'Armée d'Occupation se sont présentés chez moi et m'ont demandé si je n'avais pas vu mon gendre et mon fils. Comme je n'ai pas vu ces derniers depuis très longtemps, je leur ai répondu par la négative. Je ne peux vous dire où sont cachés mes enfants."
Lecture faite persiste et signe.

A quatorze heures, Mademoiselle LAGADEC, Denise, couturière âgée de 18 ans, demeurant à KERHOEN en St-ELOI-LOUARGAT, née à PLUZUNET le 12 février 1926, déclare :
"J'ai été très surprise en apprenant que mon beau-frère et mon frère, s'étaient enfuis de la maison, la nuit dernière. Je me demande pour quelle raison, ils ont quitté leur domicile à la vue des militaires de l'Armée d'Occupation. Je n'ai jamais su qu'ils étaient recherchés par une autorité quelconque. Je ne puis vous dire où ils auraient pu se cacher, ne leur connaissant aucun ami en dehors de LOUARGAT."
Lecture faite persiste et signe.

ETAT-des-LIEUX : La maison d'habitation des époux TILLY, est sise au bourg de LOUARGAT, en bordure de la route départementale N°31, conduisant de LOUARGAT à St-ELOI. La maison est composée d'une unique pièce au rez-de-chaussée et au premier étage de trois pièces, dont deux occupées par les époux TILLY et une autre par LAGADEC Eugène. Sur le palier au premier étage, nous remarquons une lucarne mesurant 40 centimètres de large sur 30 centimètres de haut. Les deux fugitifs ont passé par cette lucarne donnant sur une cour appartenant à Monsieur GUEGAN, commerçant, demeurant au bourg de LOUARGAT Cette ouverture se trouve à trois mètres du sol et nous remarquons que le sol est légèrement piétiné à l'endroit où ces deux hommes sont tombés. Aucune autre trace se trouvant aux abords de cette cour, nous n'avons pu suivre la piste des fugitifs.

En foi de quoi, nous avons dressé le procès-verbal en quatre expéditions, destinées à Monsieur le Procureur de la République à GUINGAMP, la deuxième à Monsieur le Préfet des Côtes-du-Nord à SAINT-BRIEUC, la troisième au Chef de l'Aussenkommando à SAINT-BRIEUC, la quatrième aux archives.
Fait et clos à Belle-Isle-en-Terre, le 6 avril 1944

Signé Morin et Le Corre





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