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3 JUILLET 1944 : DEUX FTPF ABATTUS PAR LES ALLEMANDS Á PLUZUNET

La compagnie « La Marseillaise », créée par Yves TREDAN de Vieux-Marché, regroupait des hommes de Vieux-Marché, Plouaret, Louargat, Pluzunet, Trégrom et d'autres communes limitrophes. Les effectifs augmentant, il fallut créer deux compagnies.
La 1ère compagnie, rayonnant sur Vieux-Marché et Plouaret, devait se distinguer en réalisant quatorze déraillements, et ce avec la complicité de cheminots.
La 2e compagnie couvrait Louargat, Pluzunet et Tonquédec.
La première mission de ces deux compagnies était de créer un climat d'insécurité sur les arrières de l'ennemi en harcelant ses convois qui tentaient de venir renforcer le dispositif militaire allemand sur le front de Normandie, après le débarquement des alliés du 6 juin 1944.
À la fin du mois de juin 1944, la 2e compagnie installe un maquis dans une lande près d'un carrefour sur la route Pluzunet-Bégard, au lieu-dit Croaz-Marc'hossiou en Pluzunet. Les Allemands, renseignés par leurs agents, sont au courant de l'emplacement de campement.
Le 3 juillet 1944, vers sept heures du matin, la plupart des maquisards quittent leur campement pour effectuer une mission contre l'ennemi à Bégard. Restent sur les lieux, François GERON, originaire de Locmaria en Belle-Isle-en-Terre, Georges LE DU, originaire de Plounévez-Moëdec, mais installé à Corbeil dans la région parisienne. François GERON est né le 11 juin 1920 à Belle-Isle-en-Terre, il a vingt-quatre ans, Georges LE DU a le même âge. D'autres camarades sont avec eux.
Vers huit heures du matin, armés chacun d'un revolver, ils se rendent au bourg de Pluzunet afin d'y récupérer une paire de sabots. En passant à Rubeus en Pluzunet, devant la ferme tenue par la famille RIOU, ils tombent nez à nez avec un détachement de soldats allemands sortant de la maison où ils étaient venus effectuer une perquisition.
Le combat est inévitable et de courte durée. François GERON et Georges LE DU succombent devant la supériorité en nombre et en armement des Allemands, mais ils occasionnent des pertes aux soldats nazis qui ont trois tués.
Yves OLLIVIER et Yves GLAZIOU de Pluzunet qui arrivent les premiers sur les lieux du drame après le départ des Allemands, trouvent leurs deux camarades morts. Le lendemain, des obsèques dignes sont organisées et suivies par toute la population de Pluzunet.

Après la libération du secteur, le 5 août 1944, les compagnies des cantons de Plestin-les-Grèves et de Plouaret seront réunies pour former un bataillon auquel on donnera le nom de l'un de deux disparus. Le choix se porte sur Georges LE DU. Le commandement de ce bataillon est confié à Léon RAZUREL. Ce bataillon part ensuite participer à la réduction des poches nazies sur le front de l'Atlantique ; il est affecté à Lorient.

Le 23 août 1944, le corps de François GERON est exhumé et transféré à Belle-Isle-en-Terre ; le lendemain une cérémonie commune est organisée pour inhumer François GERON et un autre résistant de la commune, Jean LE TALLEC, fusillé au camp d'aviation de Servel près de Lannion, le 16 juin 1944. En 1947, une stèle est érigée à l'emplacement où les deux résistants sont tombés en combattant. Tous les ans, une cérémonie a lieu en leur mémoire.



Yves OLLIVIER
Yves OLLIVIER était présent, il témoigne :
" Ce 3 juillet 1944, nous étions installés dans un champ à proximité du carrefour de Croaz-Marc'hossiou en Pluzunet, à l'écart de la route, à 500 m environ.
Vers 8 h du matin, Georges LE DU et François GERON se portèrent volontaires pour aller au ravitaillement au bourg de Pluzunet. Ils devaient nous procurer du pain et pensaient trouver des chaussures de rechange pour eux-mêmes. Connaissant bien les lieux, je leur ai indiqué un chemin de terre à peu près parallèle à la route en leur précisant " au bout de 150 m, vous verrez le clocher de Pluzunet, ensuite allez tout droit, les Allemands n'aiment pas quitter la route, ainsi vous serez plus tranquilles ".
Environ 20 mn plus tard, nous avons entendu des coups de feu venant de leur direction. Nous ne nous sommes pas affolés, mais nous avons enclenché "l'Alerte générale", en vue de quitter les lieux.
Une de nos sentinelles vint nous avertir qu'un convoi d'Allemands venait de la direction de Pluzunet, avec en tête 5 ou 6 hommes à pieds poussant leurs bicyclettes, non loin d'eux il y avait un cultivateur avec une charrette attelée, derrière eux un autre groupe de 5 ou 6 hommes.
Je lui demandais : " c'est tout ? ", " oui " qu'il me répondit, " Alors je lui ai demandé de retourner à son poste, d'observer et de se méfier, il y a peut-être un piège, il est possible que le gros de la troupe suive ".
La sentinelle revint nous dire " dans la charrette il y avait 3 soldats allemands couchés ".
La situation devenait inquiétante, un groupe de Plouaret devait nous rejoindre dans la journée, il avait peut-être été surpris.
Avec Yves GLAZIOU nous nous sommes dirigés discrètement en direction de la provenance des détonations, arrivés à Kervouriou à proximité d'une petite ferme tenue par la famille RIOU, nous traversames la route, nous aperçumes un homme couché sur la route et un deuxième dans la douve sans pouvoir les identifier.
Toujours discrètement, par les champs nous sommes arrivés dans la cour de la petite ferme, les Allemands avaient quitté les lieux, la fermière d'une quarantaine d'années était complètement paniquée.
Georges LE DU et François GERON n'étaient pas originaires de la commune, ils durent probablement s'égarer.
D'après la fermière, en arrivant devant sa maison ils rencontrèrent 3 militaires allemands qui étaient à la recherche d'hommes de 20 à 25 ans. L'affrontement fut inévitable, n'ayant rien à perdre Georges LE DU et François GERON firent tout de suite usage de leurs armes en se servant de leurs revolvers 12 mm, les 3 Allemands furent tués. Derrière la maison il y avait une dizaine d'Allemands qui perquisitionnaient les lieux, au bruit des armes ils se précipitèrent. François GERON fut tué en premier, Georges LE DU se trouvant seul, chargeur vide fut massacré sur place.
Ce même jour un détachement sous les ordres d'Armand TILLY était en mission à Bégard. Au retour ils tendirent une embuscade à un véhicule allemand à Traou-Foss en Bégard, bilan : le véhicule détruit, un Allemand tué et plusieurs autres blessés.
A la suite de ces événements tragiques, une trentaine de personnes furent arrêtées au bourg de Bégard et emmenées à pieds au terrain d'aviation de Servel. Elles furent relâchées 48 heures plus tard.

Témoignage recueilli en 1994 par Serge TILLY auprès d'Yves OLLIVIER responsable du maquis de Pluzunet.


Ernest ROUSSEL
Ernest ROUSSEL était présent, il témoigne :
" Georges LE DU et François GERON étaient avec nous au maquis de Pluzunet jusqu’au 3 juillet 1944. Ils furent tués au combat par une patrouille allemande le matin à l’aube. Trois jours auparavant Yves TREDAN, capitaine, m’avait donné l’ordre de récupérer une mitraillette chez François GERON qui était venu avec moi rejoindre le maquis au lieu-dit Croaz-Marc'hossiou en Pluzunet. François GERON habitait à Locmaria en Belle-Isle-en-Terre. Dans la nuit du 2 au 3 juillet 1944, nous étions sur la voie ferrée pour effectuer des sabotages. Nous avons couru et travaillé toute la nuit et sommes rentrés au maquis vers quatre heures du matin, il avait plu très fort toute la nuit. Au petit matin, François GERON m’a demandé de l’accompagner pour aller chercher une paire de sabots qu'il avait déposé la veille chez un cordonnier au bourg de Pluzunet. Étant fatigué, je n’étais pas partant. C’est alors que Georges LE DU lui a dit : " Je vais avec toi ". Sinon, je ne l’aurais pas laissé aller seul et serais parti avec lui.
Les voilà partis tous les deux au lever du jour. Un quart d’heure après, on entend une fusillade. Tout le monde est sur pied, d'autres camarades se rendent à la rencontre de Georges et François. Malheureusement, ils étaient sans vie, les bras cassés. Quand on est arrivés sur place, les Boches avaient déjà ramassé leurs morts et s’étaient repliés sur Lannion.
Lors de l'évacuation du maquis, François TASSEL, le responsable du secteur " GILBERT ", était sur les lieux : il était venu montrer le maniement d’une carabine américaine. Paniqué, il a récupéré son arme et a disparu sans se soucier d’organiser le repli du maquis, ce qui a choqué bon nombre de camarades. "

Témoignage recueilli en 1998 par Serge TILLY auprès d'Ernest ROUSSEL président du comité de l'ANACR de Trébeurden.

Article paru dans le journal l'Aube Nouvelle du 7 juillet 1945

Pluzunet.
Souvenons-nous.

Le 3 juillet 1944 un groupe d'une cinquantaine de FTP de " La Marseillaise " cantonnait non loin du carrefour entre Bégard et Pluzunet.
Surpris par les boches alors qu'ils sortaient du maquis les camarades François GERON de Belle-Isle-en-Terre et Georges LE DU de Corbeil durent se battre contre un ennemi supérieur en nombre et mieux armé ; mais ils le firent avec un courage digne de tous éloges.
Les deux hommes munis de pistolets seulement abattirent 3 allemands, mais malheureusement ils devaient succomber à leur tour.
Ils furent braves ces héros, braves comme tous ceux qui ont donné ou risqué leur vie pour que la France soit libre.
LE DU était un ancien de la Résistance et le bataillon qui prit son nom s'est couvert de gloire sur le front de Lorient.
François GERON réfractaire n'avait qu'un idéal : tuer au moins un boche avant de mourir.
Ces camarades qui vendirent chèrement leur peau ont droit que l'on se souvienne d'eux.
Nous ne voulons pas qu'on les oublie ni eux ni tous ceux qui sont morts soit fusillés soit au combat soit dans les bagnes allemands pour que vive la France.


La route menant au bourg de Pluzunet en passant par Rubeus,
à droite le chemin menant à notre maquis à 400 mètres du carrefour de Croas-Mar'hossiou




voir la stèle de Rubeus en Pluzunet