13 JUILLET 1944 : LE MAQUIS DE PLUZUNET ATTAQUÉ |
Nous étions cantonnés, une dizaine de camarades, au Penker en Pluzunet, dans un petit chemin près de la ferme des GAUTIER. Le matin vers 5 heures alors que tous mes camarades dormaient allongés à même le sol, j'ai fait comme un rêve ou plus exactement un cauchemar, j'avais les yeux grands ouverts, à mes côtés il y avait mon fils Serge, je lui ai caressé les cheveux, et lui ai demandé où était sa mère, il ne m'a pas répondu, je suis alors monté sur un talus pour voir si je voyais mon épouse Clémence, ne la voyant pas je suis retourné de l'endroit où j'étais parti et à mon grand étonnement j'ai constaté que Serge avait disparu. J'ai mis ceci sur le compte de la fatigue et de la tension nerveuse. Était-ce un signe prémonitoire ?
Pour le repas du midi la famille GAUTIER nous avait invité à déjeuner. Par mesure de sécurité, nous y étions allés par groupes de trois ou quatre. Je faisais partie du dernier groupe avec Henri LOUARN.
En sortant de la ferme, j'ai rencontré un homme endimanché que je ne connaissais pas. Il s'est adressé à moi comme s'il me connaissait de longue date. Nous avons eu la conversation suivante :
Moi : Qui tu es ?
Lui : Je m'appelle GROT.
Moi : Charles ?
Lui : Non, mon frère Charles est au maquis de Pédernec.
Moi : Tu me connais ?
Lui : Oui.
Moi : Comment je m'appelle ?
Lui : Tu t'appelles X (nom qui ne correspondait pas à mon identité).
J'avais donc à faire à un dangereux usurpateur, je savais par ailleurs que Charles GROT était recherché par la Résistance.
Je suis parti rejoindre mon groupe à travers champs, et comme je sautais le talus, des balles se misent à crépiter au dessus de nos têtes. GROT avait conduit les Allemands vers nous. Il s'appelait bien Charles, nous l'avons su par la suite, il était recherché par la Résistance en tant que milicien et était originaire de Pluzunet.
Nous avons évacué le campement et sommes passés chez les parents de notre camarade Jean RIVOALAN dont le père était puisatier à Pluzunet, sa mère nous faisait aussi à manger, puis avons été rejoindre des camarades de Plouaret et de Vieux-Marché quelque part dans des landes près de la chapelle du Christ en Trégrom.
La famille GAUTIER avait quitté leur domicile par crainte de représailles, il était courant que les Allemands incendient les habitations et leurs dépendances. Quant à Madame RIVOALAN les Allemands se sont arrêtés chez elle mais elle ne fut pas inquiétée.
Le lendemain, un cultivateur est venu prévenir le groupe d’Yves OLLIVIER duquel nous étions momentanément séparés que Charles GROT passait à pied sur la route de Plouaret à Pluzunet. Un groupe est parti à sa recherche, il l'ont trouvé se dirigeant vers Pluzunet. Ordre lui a été donné de s'arrêter. Se sachant pris, il s'est mis à courir. Des tirs de sommations l'ont fait stopper. Les camarades l'ont fouillé. Ils ont trouvé sur lui une somme de quinze mille francs. Cette somme correspondait à la prime qu'il venait de recevoir de la felgendarmerie de Plouaret pour dénonciation. Le groupe s'est ensuite dispersé pour s'installer ailleurs.
Charles LE GROT avait été averti plusieurs fois de cesser ses activités douteuse auprès des Allemands. Jugé par les responsables du maquis, il fut exécuté à proximité du Guer en Vieux-Marché : il mettait en danger la vie de plusieurs dizaines de nos camarades. Son corps fut retrouvé le 24 juillet 1944 dans le Guer. Il avait travaillé en Allemagne pendant dix-huit mois et était revenu depuis environ trois mois. Le 28 juillet 1944, son père Ernest GROT, né le 13 juin 1896 à Tonquédec, demeurant à Craou-Moc'h en Pluzunet qui avait proféré des menaces à l'encontre de la Résistance, subit le même sort afin de ne pas faire prendre de risques au groupe.a |
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relevé aux Archives départementales de Saint-Brieuc, Vieux-Marché 2W90
Le 25 juillet 1944,
découverte du cadavre de Charles GROT, 23 ans, dans le Guer à Keranraix en Vieux-Marché près du teillage de lin, il était recouvert par des sacs, la tête était souillée de sang fait par des objets contondants, les mains étaient attachées dans le dos par une cordelette, il était l'objet de menaces de la part de terroristes, d'après le père de la victime Ernest GROT, il avait été interpellé par les allemands le dimanche 16 juillet avec d'autres habitants de Pluzunet (une dizaine) et conduit au bureau allemand de Kernaman en Trégrom, puis relâché le lendemain 17 juillet, il a travaillé en Allemagne pendant 18 mois et est revenu depuis environ 3 mois, le lundi 17 juillet il aurait été arrêté par les patriotes à son retour de Trégrom, il y a environ 2 mois il aurait été battu par deux individus à Keruellen en Vieux-Marché, toujours selon le père de la victime, il était accusé de dénoncer des jeunes. |
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C'est à cette époque que plusieurs camarades venus d'un maquis installé à Pommerit-Jaudy sont venus nous rejoindre à Pluzunet : François QUÉRÉ, Clet MOGUEN, BODSON déserteur de nationalité Belge et peut être d'autres dont j'ai oublié les noms. Leur maquis comprenant 130 hommes commandés par Corentin ANDRÉ le capitaine MAURICE avait été attaqué par les Allemands à Coat-Névénez en Pommerit-Jaudy le 9 juillet 1944, à la suite d'un combat pour se dégager les FTP perdirent 8 hommes, par contre les Allemands eurent plusieurs dizaines de tués et blessés. Leur maquis fut éclaté en plusieurs groupes qui se repartirent dans d'autres.
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