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6 AOÛT 1944 : 3 MAISONS INCENDIÉES AU BOURG DE LOUARGAT

L'événement dans son contexte

Le 6 juin 1944, les troupes alliées débarquent sur les plages de Normandie, les armées nazies sur place, renforcées par des divisions venues du sud et de l'ouest de la France (ralenties voire stoppées sur route comme sur rail dans leurs déplacements par le harcèlement de la Résistance) tentent en vain de contenir la progression des troupes alliées.

Le jour du débarquement le bruit sourd de la canonnade est entendu à Louargat malgré la distance de 200 km environ à vol d'oiseau.

Il fallut 55 jours de combats acharnés, au prix de nombreuses victimes civiles et militaires, ainsi que des destructions de villes et de villages pour voir arriver les troupes alliées aux portes de la Bretagne, c'est ainsi que le 31 juillet 1944, "le verrou d'Avranches" (Manche) saute, ouvrant la porte à la pénétration des alliés en Bretagne. Rennes est libérée le 4 août. Les troupes alliées pénétrent et traversent les Côtes-du-Nord en 3 jours (pratiquement sans opposition, la Résistance ayant préparé le terrain), trouvant sur leur passage des villes déjà libérées en grande partie par la Résistance : Saint-Brieuc les 5 et 6 août, Guingamp le 7 août, le secteur de Lannion du 6 au 10 août. Restent des bastions comme Tréguier, Lézardrieux, Paimpol et Fréhel qui sont libérés avec l'aide des troupes alliées (disposant d'armement dont la Résistance est dépourvu) entre le 14 et le 17 août.

Les troupes alliées traversent Louargat le 8 août prenant la direction de Brest, libérant au passage Morlaix le 9 août.

Le 5 août, Louargat s'apprête comme tous les premiers dimanches du mois d'août à vivre une journée de fête, journée devant être doublement fêtée par la Libération annoncée et toute proche après 4 ans, 2 mois et 19 jours d'occupation par une armée étrangère.

Dans notre département, les résidus de troupes allemandes en déroute tentent pour certaines de se regrouper en bordure de mer : Tréguier, Lézardrieux, Paimpol et Fréhel, pour d'autres vers des villes fortifiées : Brest et Lorient. La Résistance s'oppose à leurs déplacements comme le 5 août près de l'Oratoire en Louargat, comme le 6 août à Bégard où les Allemands eurent plusieurs tués...

A l'idée d'une défaite proche et devant l'insécurité permanente subie lors de leurs déplacements, les Allemands deviennent très nerveux, cette nervosité atteignant la folie au cours de leurs chevauchées meurtrières, semant à leur passage la terreur et souvent la mort, s'en prenant à des civils innocents sans armes et aux biens des personnes.

Dans les jours qui précédent la Libération, de nombreuses maisons sont incendiées ou dynamitées : Bégard, Gurunhuel, Lannion, Landébaëron, Loc-Envel, Perros-Guirec, Ploubezre, Trébeurden, Trégastel...

C'est dans ce contexte qu'au cours de la nuit 5 au 6 août 1944, d'après des témoins, une colonne hippomobile composée de charrettes et de chevaux conduits par des français requis par la troupe d'occupation, en provenance du Finistère transportant le matériel des Allemands arrive au bourg de Louargat.
Des fusillades et tirs d'armes automatiques éclatent un peu partout dans le bourg semant la panique parmi la population, ils s'étalent de l'actuel rond-point de la route de Gurunhuel jusqu'à la sortie ouest de la commune en direction de Belle-Isle-en-Terre soit sur environ 600 mètres.
Un témoin a vu des Allemands échanger des coups de feu.
L'hypothèse d'une embuscade tendue par des éléments de la Résistance non identifiés en serait la cause.

Certaines personnes pensent sans pouvoir apporter de preuve que cette embuscade ou cet accrochage furent provoqués par notre groupe, il m'est très facile de démontrer qu'au moment de cette embuscade et de l'incendie des 3 maisons (3h30 relevé sur un procès-verbal aux Archives Départementales) nous étions en route pour Lannion ou sur le point d'y arriver après avoir reçu un ordre afin de participer à la Libération du secteur de Lannion, d'autant que nous avions toujours pour consigne de ne jamais entreprendre d'actions "militaires" dans nos communes d'origine.
Nous eûmes connaissance des tragiques événements qu'à notre retour de Lannion.
En 2010 il y a encore 4 survivants pouvant témoigner : Yves MINOUX demeurant à Bégard, Yves HUET demeurant à Saint-Brieuc, Robert LE BRUN demeurant à Louargat et moi-même.

Durant cette nuit du 5 au 6 août 1944, trois maisons situées en bordure de la route Nationale 12 sont incendiées au bourg de Louargat par des grenades incendiaires lancées par des Allemands faisant partie du convoi hippomobile.

Des bruits se propagèrent comme quoi les allemands allaient incendier tout le bourg, des habitants par précautions se replièrent dans les campagnes.

Les 3 maisons entièrement détruites :

-1- Vers 2h, la maison des parents de Roger MADIGOU, située à droite en direction de Belle-Isle-en-Terre à 400 m environ de l'église, avait été particulièrement visée. Le père de Roger, craignant des exactions de la part des Allemands, avait creusé derrière sa maison, avec l'aide de Robert LE BRUN, un abri ressemblant à une cave et couvert de morceaux de rails de chemin de fer. Au moment de l’incendie, Geneviève, la sœur de Roger, entraîna ses parents dans cet abri. Le feu se propagea à la maison mitoyenne appartenant à Jean-Marie MADIGOU, elle était en location, seule une partie de la toiture fut endommagée. Depuis, cette maison a été reconstruite.

Voir le procès verbal de gendarmerie

-2- Vers 3h, la maison d'Anne LE QUÉMENEUR, située approximativement à l'emplacement de l'actuel restaurant "Le Menhir" près de l'église le long de la N12, c'était l’une des plus anciennes du bourg, possédant un bel escalier en bois. Les Allemands lancèrent une grenade incendiaire dans le hall d'entrée. Cette maison était occupée par des locataires : Jean LE CALVEZ, Jean LE GUERN, Yvonne MENGUY et Baptiste ANTHOINE, qui faillirent être brûlés vifs, ils furent obligés de sauter par les fenêtres pour échapper aux flammes. Depuis, cette maison a été entièrement démolie et jamais reconstruite.
Voir le procès verbal de gendarmerie

-3- Vers 3h30, la maison d’Albert LE GUYADER et de son épouse Louise NICOL, le boulanger chez lequel j'avais travaillé en 1939, située à l'angle de la route Nationale 12 et la route de la gare de Belle-Isle-Bégard, à gauche en partant dans cette dernière direction. Le couple et leurs enfants sortirent en catastrophe de leur habitation la proie des flammes. Depuis, cette maison a été reconstruite.
Voir le procès verbal de gendarmerie

Sept familles se retrouvèrent sans toit, dépourvues de tout, Jean-Marie MADIGOU, son épouse et sa fille Geneviève s'installèrent avec les locataires de la maison mitoyenne endommagée. Des collectes permirent de venir en aide aux familles sinistrées.

Témoin des événements, Jean MARTIN petit cousin de mon épouse Clémence, curé, habitant au presbytère cru que le feu avait pris à l'église, la maison d'Anne LE QUÉMENEUR en feu se situant par rapport au presbytère derrière l'église.


D'après les rapports de gendarmerie, heureusement aucun blessé ne fut à déplorer.

Tableau récapitulatif des PV de gendarmerie :
maison
Début du combat
Durée du combat
Mis a feu des maisons
Départ des allemands
Temps passé à Louargat
Madigou
0h20
1h30
2h
4h30
4h10
Quemener
1h
vers 3h
3h
4h30
3h30
Le Guyader
?
?
3h30
6h
>2h30

Commentaires de Serge TILLY :

De ce tableau on peut déduire que les allemands venaient bien de Belle-Isle-en-Terre (à l’ouest de Louargat). Confirmé par le témoignage de Jean-Marie MADIGOU dont le portefeuille fut retrouvé à 400 m de chez lui (allée de boules de Marie LE FUR ?), le voleur s’étant déplacé d’ouest en est.

Quelques réflexions :

Un combat entre patriotes et militaires allemands qui dure entre 1h30 et 3h30 (suivant sources) sans faire de blessés ni de tués du côté résistants, étonnant ! ! ! D'autant que les actions menées par la Résistance consistaient à tendre une embuscade et à se retirer au plus tôt afin d'éviter l'affrontement avec des militaires de métier.

Les témoins ont vu des militaires allemands mais aucun patriote ! ! !

Il en résulte un manque de logique, semblant confirmer compte tenu du contexte que les militaires allemands se seraient affrontés par méprise, confirmé par des témoins mais réfuté par d'autres personnes.

Un autre document relevé aux Archives Départementales de Saint-Brieuc précise que le responsable des incendies de la nuit du 5 au 6 août 1944 avait pour nom Julien KENIHAUER.

Plusieurs personnes habitant les secteurs concernées pensent que deux groupes de militaires allemands, l'un venant de Belle-Isle-en-Terre, l'autre de Guingamp se rencontrèrent de nuit. Devant la désorganisation des troupes allemandes cherchant à se regrouper et leur état de nervosité cela déclencha un échange de coups de feux.

L'un de ces témoins dit avoir vu dans l'allée de boules couverte du café de Marie LE FUR épouse LE GALL (angle de la N12 et la rue du monument aux morts) des taches de sang ainsi que des pansements allemands.

Aucun Patriote ne fut retrouvé soit blessé, soit tué, alors que les militaires allemands qui se trouvaient en face d’eux étaient suréquipés et surentraînés. Il n'y aurait eut des blessés voire des morts que du côté allemand !!!

On peut se poser au moins deux questions quant à cet événement :
-1- Un combat entre des Patriotes et un groupe d'Allemands a t il réellement eut lieu ?
-2- Si oui, quel groupe de Patriotes serait impliqué dans ce combat, tôt ou tard, l'un d'eux en aurait sans aucun doute parlé, ce qui n'est pas le cas.

La version accrochage entre deux groupes de militaires allemands paraît à mes yeux la plus plausible.

Les patriotes mis en cause injustement et sans preuve sont ceux du groupe à mon père. Jean-Marie MADIGOU dont la maison fut incendiée serait il venu demander à mon père d'entreprendre la recherche du corps de son fils ? chose qu'ils firent ensemble avec Louis LALES.

Serge TILLY.


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