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21 AOÛT 1944 : LE CORPS DE ROGER MADIGOU
EST RETROUVÉ
Après la Libération, le père de Roger MADIGOU exprima le souhait que le corps de son fils fût retrouvé. J'ai donné un récit détaillé des événements, dans une lettre adressée au maire de L'Hermitage-Lorge.

Monsieur le Maire.

Comme convenu, j'ai l'honneur de vous communiquer de quelle façon avaient été découverts les 19 corps de Résistants fusillés par l'ennemi le 6 mai 1944 à Ploufragan, et qui avaient été quelques semaines plus tard exhumés de la fosse commune pour être transférés et ensevelis dans une clairière de la forêt de Lorge.
L'endroit se situe sur la route D81 de Ploeuc-sur-Lié, à environ 250 mètres après le passage à niveau, sur la droite avant d'amorcer la descente dans la direction de Ploeuc. Cet endroit, à l'époque, était une semie-clairière constituée de fougères et de quelques bosquets.
Aussitôt après la libération de Tréguier a laquelle j'avais participé, Monsieur Jean-Marie MADIGOU, père de Roger, vint nous solliciter afin de prêter notre concours pour rechercher le corps de son enfant, nous lui avons donné notre accord.
Vers le 19 août 1944, nous sommes allés, Monsieur MADIGOU, Monsieur LALÈS Louis (Président du Front National local) et moi-même, à la préfecture à Saint-Brieuc avec l'espoir d'obtenir des renseignements quant à la destination des corps. Il nous a été conseillé de nous informer auprès du service des Pompes Funèbres qui avait été réquisitionné par l'ennemi pour les exhumations de la fosse commune.
Auprès de ce service nous avons reçu des indications très intéressantes à savoir :
Que l'ennemi avait bien réquisitionné le service des pompes funèbres et fait mettre les corps dans des caisses mal ajustées pour être chargées dans des camions qui prirent la direction de Quintin, escortés par la troupe.
Les employés des Pompes Funèbres eurent l'heureuse initiative, à l'insu des allemands de relever le signalement de chaque corps (taille, couleur des cheveux et des chaussures, tenus vestimentaire...), et apposèrent un numéro sur chaque caisse. Ils nous remirent ces renseignements relevés mais leurs connaissances de la suite s'arrêtaient là.
Ils nous conseillèrent de nous rendre dans un café à Ploufragan fréquenté par des cheminots qui, d'après des rumeurs, étaient à même de nous fournir de plus amples informations quant à la direction suivie par la colonne allemande. En ce lieu nous avons appris que le chef de gare de L'Hermitage avait eu des échos se rapportant à la date de l'enlèvement et que cet indice se situerait aux environs de L'Hermitage-Lorge.
Le chef de gare nous a informé qu'il avait entendu parler d'un cultivateur qui ce jour là était occupé à couper de la litière dans un bois, vit arriver une colonne de camions allemands qui stoppa à sa hauteur. Les occupants lui intimèrent l'ordre de déguerpir immédiatement, ce qu'il fit sur-le-champ.
Quelques jours plus tard, ce même cultivateur revint sur les lieux et constata plusieurs monticules de terre à l'endroit où il avait coupé la litière, et d'autres épars.
Le chef de gare nous conseilla ensuite de nous rendre dans un café aux Forges pour de plus amples détails. Le patron de l'établissement nous confirma la déclaration du chef de gare et se proposa de nous conduire sur les lieux. A l'endroit supposé, nous avons constaté l'existence de plusieurs monticules.
Nous avons creusé l'un d'entre eux et y découvrirent, à environ 40 centimètres de profondeur, une caisse disjointe d'où sortait une odeur nauséabonde.
Les corps ont été enlevés en ce qui concerne ceux de Louargat et Plouaret le 22 août 1944, les autres quelques jours après.
Je précise que le transport de ceux-ci s'est effectué en contravention avec l'ordre de la préfecture qui interdisait tout transport de corps à l'époque. Cette décision avait été prise sur insistance des familles des martyrs.
Je reste à votre disposition pour tous renseignements que vous jugerez utiles.
Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l'assurance de ma haute considération.

Les corps des dix-neuf martyrs fusillés furent donc retrouvés éparpillés dans une clairière au bord de la Départementale 81, menant de la route de Loudéac à Ploeuc-sur-Lié à environ 250 mètres après le passage à niveau, à droite en abordant la descente sur la commune de L'Hermitage-Lorge, dans la forêt de la Perche.
La récupération du corps de Roger MADIGOU étant rendue difficile du fait du refus de la préfecture d'autoriser le transfert du corps vers Louargat sans autorisation, une opération commando fut mise en place le 22 août 1944 avec hommes, camion, voiture (traction avant) et armement, pour récupérer le corps de Roger et de sept autres camarades originaires de Plouaret. La sœur et le père de Roger étaient présents lors du rapatriement des corps. Ils reconnurent Roger à sa ceinture, à son pantalon de golf et à ses cheveux. Les corps furent donc enlevés, le corps de Roger étant placé dans un cercueil de zinc fermé hermétiquement par plombage, soudé par Paul LE GUESCLOU, ferblantier à Louargat (un cercueil qui coûta très cher), le corps des sept autres suppliciés de Plouaret restant dans les caisses d'origine. Ce travail fut très pénible à cause des odeurs dégagées par les corps, mais les corps furent transférés dans les communes respectives.
Le convoi était constitué :
- D'une Traction avant Citroën réquisitionnée conduite par Armand TILLY, où avaient pris place Geneviève MADIGOU sœur de Roger, Jean-Marie MADIGOU, son père, et Louis LALÈS.
- D'un camion Renault pris aux Allemands dans lequel étaient transportés les huit cercueils et à bord duquel se trouvaient Jean LE MOAL et Albert JACOB de Plouaret, Fernand LAHELLEC de Lanvellec. Ce véhicule était conduit par Yves LE MEUR de Plouaret.
Le camion tomba plusieurs fois en panne lors du voyage.
Etaient aussi du convoi Yves TREDAN et François LAFONTAINE du Vieux-Marché.
Le corps de Roger fut amené dans la maison familiale en attendant le jour des obsèques, puis inhumé au cimetière de Louargat le 23 août 1944, en présence d'une foule très nombreuse.
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