Lorsqu’une personne était sur le point de mourir on allait chercher le curé à n'importe qu'elle heure du jour et de la nuit, il venait avec une lanterne portée par le membre de la famille qui était allé le chercher, il emportait avec lui une musette noire (on disait que c'était le sac du charbonnier) dans laquelle il y avait : un peu de coton et de l'huile dite sainte, imbibant le coton de cette huile il passait celui ci sous la plante des pieds du mourant, celui qui était conscient savait que pour lui c'était la fin.
A l’annonce d’un décès on faisait sonner les cloches de la chapelle la plus proche du domicile du défunt, ainsi le voisinage était mis au courant sachant très bien quelle personne venait de décéder lorsque cette mort était attendue ainsi la nouvelle du décès se transmettait très rapidement.
Pour l’organisation des obsèques le curé demandait à la famille qu'elle classe elle souhaitait pour la cérémonie religieuse du défunt, il y avait 3 classes :
- 1ère classe pour les "riches", qui avaient droit à la croix dite en or, des grands cierges et une messe à 11 heures qui durait 1 heure 30, pour cela le curé devait être à jeun, faisant une pénitence, alors le prix était en conséquence.
- 2ème classe pour ceux ni riches ni trop pauvres, qui avaient droit à la croix anodisée en argent, des cierges plus modestes et une messe à 10 heures qui durait 1 heure.
- 3ème classe pour les pauvres considérés comme indigents (c’était le cas de ma famille), qui avaient droit à une croix étamée avec un manche en bois, de simples bougies et une messe à 14 heures qui durait 20 à 25 minutes.
C'est bien sur la classe qui déterminait le tarif. On peut dire que par rapport aux obsèques il existait 3 classes sociales dans la commune.
Le corps du défunt restait exposé à la maison sur une table ou sur un lit autour duquel étaient disposées différents objets religieux (c'est l'un des trois menuisiers du bourg qui réalisait le cercueil, un peu à la demande utilisant souvent le stock de bois de la famille), rarement sur la façade de la maison on pendait un drap noir (sur certaines maisons subsistent en façade des crochets utilisés à cet effet), tout le monde venait rendre une visite de politesse et faire une prière.
Il n’était pas rare de faire venir un photographe pour photographier le défunt sur son lit de mort, c’est par exemple la seule photo que je possède de mon père qui est décédé en 1929 à La Ville-Neuve.
Le soir une personne qualifiée venait faire des prières en breton, annonçant la prière reprise ensuite par l'assistance. Toutes ces grimaces ne faisaient qu’amplifier la douleur des familles, mais il fallait toujours faire comme tout le monde pour ne pas se marginaliser.
Le jour des obsèques le cercueil était placé pour les familles les plus à l’aise sur un corbillard venu de Belle-Isle-en-Terre et tiré par des chevaux, pour les autres sur une charrette tirée par des chevaux sur lesquels étaient posés parfois des draps noirs, la famille, les amis, les habitants suivant à pieds en cortège jusqu'à l'église. Les villages les plus éloignés du bourg demandaient 1 heure et demie à 2 heures de marche à pieds. En tête du cortège une grande croix était tenue par un porteur qui était toujours un proche du défunt, suivaient des porteurs de gerbes ou objet de culte, puis le reste du cortège en tête duquel se trouvait la famille.
Après la messe, tout le monde se rendait autour de la fosse pour la mise en terre. Il y avait à nouveau une série de prières dites par le curé et tout le monde passait pour faire le signe de croix et asperger le cercueil avec le goupillon plongé auparavant dans un bénitier remplie d'eau bénite.
La cérémonie terminée, tout le monde se retrouvait dans un café pour manger et boire, les porteurs étant plus particulièrement bien soignés. Bien souvent certains hommes abusaient de boissons et rentraient chez eux avec beaucoup de difficultés.
Après un décès la famille devait respecter le deuil, il était porté durant un an par les membres les plus proches : grand-parents, parents et enfants. Beaucoup de gens étaient habillés toujours en noir ou foncé, comme cela pas de risque d’erreur. Les hommes portaient un brassard noir autour du biceps gauche.
Un cultivateur de Pen Pradennou, Pipi Catherine est venu annoncer au curé le décès de sa belle mère qui lui demanda :
- "quelle classe vous voulez ?",
le paysan de lui répondre en breton :
- "celle là n'a jamais été à l'école vous pouvez la mettre dans la 1ère classe".
Sa femme venait toujours faire ses courses avec un parapluie pour y mettre des choses subtilisées au commerçant, bien sur au bout d'un moment tout le monde connaissait son système et se méfiait.
Lors de la visite d'un curé à un mourant, l'homme d'église lui dit sans doute pour le rassurer : "c'est dur de quitter ce monde !", fin psychologue Monsieur le curé.
Après le décès de ma mère en 1932, une messe fut célébrée pour "le repos de son âme", je refusais de m’y rendre estimant que cela ne la ferait pas revenir, une bigote de la famille STEPHAN alla prévenir mon patron Emile LE BLEVENNEC qui ne me fit aucun reproche.
En 2009, malgré le déclin de l'influence de l'église des traditions demeurent comme par exemple le passage à l'église pour les messes d'enterrement alors que parfois cela se fait contrairement aux souhaits du défunt, mais souvent encore pour faire comme tout le monde.