Thérèse TREDAN sœur d'Yves TREDAN, est présente, elle raconte :
" La veille de la rafle, Yves me prévient qu'il risque d'y avoir la visite des Allemands, à cause d'un incident qui vient d'avoir lieu dans la soirée avec un certain Pierre KERVOAZOU qui s'est fait arrêter par une patrouille de feldgendarmes. Par précaution il n'est pas resté cette nuit là dormir à la maison, heureusement pour lui.
Le dimanche 23 avril 1944, vers 4 h du matin
Les Allemands arrivent en voiture, ils sont équipés de torches électriques.
Ils commencent à me poser des questions, cherchant à savoir où est mon frère.
Voyant que je refuse de leur donner des renseignements, ils me battent à coups de gourdins et menacent de m'emmener avec eux. Je ne me laisse pas impressionner par ces brutes, bien que les coups que je reçois me font très mal.
Ils fouillent toute la maison, ils volent des vêtements et le vélo appartenant à mon frère.
A l'époque compte tenu du couvre feu, il est imposé aux familles d'obturer les fenêtres pour ne pas que les lumières se voient de l'extérieur.
Je retire un tapis qui sert à masquer la fenêtre, à ce moment je reconnais, mais avec difficulté, dehors encadré par des Allemands, Arsène FAUJOURON que je connais bien pour être un résistant actif de " La Marseillaise ". Je comprend à l'état de son visage qu'il a dénoncé Yves. Je m'adresse à lui en Breton, lui disant : " Surtout Arsène, ne dénonce plus personne avant 10 heures, je vais essayer de faire prévenir les autres.", il me répond toujours en Breton, comme pour vouloir s'excuser : " Tu vois dans quel état je suis."
Sachant mon frère caché à proximité dans un talus, je me mis à crier en breton pour l'avertir, prévenu il pu s'enfuir, mais par contre cela me valu de recevoir une nouvelle fois des coups de la part de ces brutes.
Devant l'échec de leur visite, les Allemands repartent avec Arsène FAUJOURON.
Aussitôt, je vais prévenir Prosper LAURENT, un voisin, pour lui expliquer la situation et lui demander d'aller prévenir Auguste LE PAPE de la tournure des événements, afin que lui et les autres puissent se mettre à l'abri de ces brutes.
Prosper LAURENT prend sa bicyclette, pour aller à Kerdanet où habite Auguste LE PAPE. Arrivé sur les lieux, soit à sept kilomètres environ, il s'aperçoit que les Allemands déjà sont passés par là, il est trop tard. "
Albert JACOB, résistant est requis ce soir là par les Allemands pour surveiller la ligne téléphonique souterraine Plouaret Beg-Ar-C'hra. Il est intrigué par la présence anormale de soldats allemands. Il se rend à l'école Saint-Louis pour y déposer son brassard de requis lui permettant de circuler lors du couvre-feu.
Au retour il est stoppé par un barrage allemand. Il aura toutes les peines à le franchir pour aller non loin de là au domicile de la famille LE PAPE où habite le responsable FTP du secteur de Plouaret le fils de la maison Auguste LE PAPE. Il a aussi un autre prétexte pour venir, car il doit prendre des chaussures neuves qu'Auguste LE PAPE lui a ramené de Lannion, chaussures achetées la veille à l'aide de bons de ravitaillement.
La famille LE PAPE exploite à Kerdanet une ferme qui est une grande demeure située non loin de la voie ferrée Paris - Brest.
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Alice Le Manach, l'épouse d'Albert Jacob, raconte :
"Albert, réussit à franchir la voie ferrée, sa musette en bandoulière dont il se défait, son béret sur la tête, sous les tirs de six soldats allemands, les balles frappent le sol sec faisant se soulever la poussière de terre, il poursuit sa route en courant. Il s'arrête à la première ferme située à Kerépol qui est un petit manoir, les occupants comprennent vite la situation. Il leur demande le chemin menant à Coat-Huel, les fermiers lui indique la route à suivre. Peu de temps après les Allemands arrivent sur les lieux et fouillent l'endroit mais ne le trouvent pas. Il est aperçu par une personne a qui il a expliqué la situation, qui lui fera parvenir une soupe ensuite dans le bois.
Il continue sous la pression des Allemands sa course folle. N'en pouvant plus, il arrive dans une lande, se cache, retire son béret, et s'aperçoit horrifié que celui-ci a été traversé par une balle, la mort était vraiment très proche, alors il s'évanouit. Reprenant ses esprits, il reste à se reposer quelques temps.
Ne sentant pas en sécurité, il se dirige vers le pont Guerbasquiou, qu'il franchit comme si de rien n'était, tranquillement sans se presser, il arrive chez Auguste LE BOZEC, tout près du pont de Guergolvé, il voit le paysan de la ferme, celui-ci veut aller lui chercher du cidre pour lui offrir un verre. Il n'aura même pas le temps d'aller à la barrique, les Allemands sont à nouveau sur Albert, qui partout disent rechercher un terroriste blessé.
Il traverse la route Plouaret - Beg-Ar-C'Ha pour essayer d'approcher la ferme de ses parents toute proche afin de les rassurer, arrivé à proximité des lieux, les chiens se mettent à aboyer, les Allemands sont encore là. Il apprendra par la suite que Léon GUERSON est là, entre les mains des boches le visage tuméfié par les coups reçus par ces brutes.
Albert n'est pas vu par les Allemands, il se dirige vers un bois voisin d'où il voit la ferme encerclée par les Allemands, ceux-ci fouillent les bâtiments et ses environs.
A cette époque Albert et moi nous nous fréquentions, j'habitais chez ses parents à Keramanc'h en Plounévez-Moëdec à côté d'un relais téléphonique occupé en permanence par les Allemands. Albert décide donc de s'y rendre. En chemin il rencontre Eugène SIMON.
Puis il ira se mettre en sécurité d'une ferme à l'autre tantôt à Plounévez-Moëdec, tantôt à Loguivy-Plougras avec la complicité de ma mère et de ma famille, se cachant dans des greniers à foin ou dans des charretées de foins.
Chez moi, il s'était aménagé dans un grenier à foin une cache, dont il avait obturé l'accès avec le foin, y accédant par un trou accédant dans la mangeoire aux chevaux, cela lui posa problème, car il attrapa le rhume des foin, ce qui le rendit sourd un moment."
Les Allemands continuent la série d'arrestations.
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Jean DANIEL, frère d'Eugène DANIEL raconte :
" Un soldat allemand est intervenu au cours de la petite messe du matin, à 7 heures, pour avertir que les hommes âgés de 16 ans à 50 ans doivent se rendre à l'école des filles Saint-Louis. Cette école est occupée comme tous les grands bâtiments de Plouaret par les Allemands. A l'époque l'école sert de couvent, abritant plusieurs religieuses.
Le garde champêtre fait le tour du bourg, avec son tambour pour informer les hommes de 16 ans à 50 ans de rejoindre la cour de l'école Saint-Louis. Cette cour est entourée de hauts murs et la garde est assurée par des soldats postés sur des hauteurs.
Je me suis rendu comme d'autres, au lieu indiqué, il est bien évident, que ceux qui ont des craintes ne viennent pas se mettre dans la gueule du loup. Dans la cour de l'école environ une centaine d'hommes sont ainsi rassemblés.
Les Allemands arrivent avec Auguste LE PAPE, qui a le visage tout tuméfié par les coups reçus. Ils lui demandent de désigner parmi les hommes présents sur les lieux, ceux faisant partie du groupe de FTP. Auguste refuse de dénoncer, d'ailleurs aucun de ceux arrêtés ne fait partie de la Résistance.
Un tri est effectué après vérification de notre identité, nous sommes environ 50 hommes arrêtés puis embarqués dans des camions, qui nous amènent à l'hôpital-prison de Saint-Brieuc. Nous sommes gardés par des gendarmes Français aidés par des soldats allemands.
Les familles viennent nous rendre visite et nous font parvenir des vêtements et de la nourriture.
Nous restons environ huit jours dans ces lieux, puis un convoi est formé pour aller à pied à la gare de Saint-Brieuc encadré par des gendarmes Français.
Nous embarquons dans un train pour Paris, quelques uns réussissent à s'échapper, à la gare et lors du trajet quand le train ralentit. Au début, les gendarmes Français ferment les yeux, mais au delà de cinq ou six évasions ils interviennent pour les empêcher.
Arrivés à Paris nous sommes envoyés à la caserne de la Pépinière, où nous restons à nouveau environ huit jours.
Considérés comme STO, nous partons par la gare de l'Est pour l'Allemagne en train dans des wagons cadenassés. Au passage de la frontière les cadenas sont retirés.
La plupart d'entre nous allons travailler dans des usines de construction de matériel militaire
Pour ma part je suis affecté à la remise en état de vilebrequins pour moteurs d'avions.
A ma connaissance nous sommes tous rentrés à Plouaret à la libération. "
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Marie, la sœur d'Eugène DANIEL, raconte :
" Lorsque mon frère était à la maison de la Pépinière, je lui ai apporté des plateaux repas ainsi qu'à ses camarades, aidée en cela par la serveuse du restaurant voisin PIRIOU. J'ai ainsi eu l'occasion de voir mon frère peu de temps après son arrestation, je cru me trouver mal à la vue de celui-ci, il était assis sur une chaise, les mains attachées dans le dos, son visage était très marqué par les coups reçus par ces brutes. Ce fut une épreuve très éprouvante que je ne pourrai jamais oublier.
Une autre fois je suis venue près de la maison de la Pépinière accompagnée de ma mère dans l'espoir d'apercevoir mon frère, des tirs dirigés contre nous, par deux fois nous font nous arrêter et nous en aller. "
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pour en savoir plus
sur les exactions commises
par les tortionnaires
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