JOURNAL DE RAYMOND HANRY
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LE PARCOURS DE RAYMOND HANRY

Raymond HANRY est né le 23 mai 1915 à Milly-la-Forêt dans la Seine-et-Oise (Essonne). Boulanger de profession.
Marié le 30 mars 1940 à Henriette RICARD.

Raymond HANRY a écrit ce journal au jour le jour du 10 mai au 21 juillet 1940 sur un petit carnet. Il a été mis en pages et illustré de photos et documents par sa fille Marie-Claude.

A Colette,
A Sandrine, Carole, Franck,
A Robin, Titouan, Rémi, Hanry,
en mémoire d’une page de l’histoire de France telle que l’ont vécue nos chers parents, grands-parents, arrière-grands-parents
Raymond et Henriette.
Marie-Claude DELMONT-HANRY


MAI 1940

10 mai
Alerte à 7h30.
Départ pour la Belgique à 14h30 par Etreux (Aisne) à 30 km au nord-est de Saint-Quentin, Landrecies (Nord) à 15 km au nord d'Etreux, Maubeuge (Nord) à 23 km au nord-est de Landrecies, passage en Belgique par Charleroi à 40 km au nord-est de Maubeuge, Fleurus à 15 km au nord-est de Charleroi, Tongrinnes à 10 Km au nord-est de Fleurus.
Arrivée à 4h du matin le 11 mai.
Repos.
Avions à 12h30.
Ecrit lettre.
Bon accueil Wallon.
11 mai
Départ de Tongrinnes à 14h par Huy située à 30 km à l'est de Namur pour Oteppe à proximité de Burdinne à 15 km au nord-ouest de Huy.
Mise en position de batterie à 18h30.
Position de tir le 12 mai.
12 mai

Tirs à 2h30.
Avions nous mitraillent vers midi.
Tirs de 105 allemands sur la position dans la matinée.

13 mai
Tirs.
Journée assez calme.
Avions sur le village voisin.
Départ à 19h30 pour Burdinne à 22 km au nord-est de Namur.
En position à Burdinne.
Colonne bombardée en cours de route.
Sortie de position immédiate.
Nous roulons toute la nuit.
14 mai
En position au Grand Lez à 18 km au nord-ouest de Namur.
Repérés aussitôt.
Bombardement par 105.
Avions abattus par la RAF anglaise.
Tir rapide suivi qui sauve la situation, la position étant presque encerclée.
Nous perdons DARCEL, absent lors du départ précipité vers 11h pour Gembloux à 8km au sud-ouest du Grand Lez, ligne fortifiée.
Repas.
Départ pour Mer.
Arrivés à 10h30.
Repos dans collège.
J’ai écrit.
De garde de nuit.
15 mai
Reçu du courrier.
Douche.
Repos.
Bon repas avec ravitaillement trouvé au château d’Oteppe en Burdinne le 12 mai.
Bombardement aérien vers 11h30.
Départ vers 15h par Le Bois, La Louvière (Belgique) à 15 km à l'est de Namur.
Courrier à nouveau.
Bonne nuit, mais étonnement du fait de passage d’inconnus (on a dit espions, lesquels, dans la nuit, ont laissé des écrits incitant à abandonner l’endroit parce que nous étions encerclés) ?
J’ai écrit à nouveau.
16 mai
Départ pour nouvelle position.
Dîner dans un bois.
Travail pour aménager la position jusqu’à 3h du matin le 17.
17 mai
Départ pour Soignies à 20 km au nord de Mons.
Repas du soir avec TCI.
Repos 6h.
18 mai
Départ de Soignies pour Ghlin par Mons à 10 km au nord-ouest de Mons.
En batterie dans un bois après Ghlin.
Nous n’avons pas tiré.
Perdons PIFFETEAU.
Départ vers 18h30 pour Abscon (France) à 15 km à l'est de Valenciennes par Saint-Ghislain à 10 km à l'est de Mons, passage en France à Onnaing (Nord) à 7 km au nord-est de Valenciennes, Valenciennes, Denain à 10 km au sud-ouest de Valenciennes.
Repos de nuit à Abscon (Nord) à 8 km à l'ouest de Denain.
19 mai
Départ pour Bellonne (Nord) à 12 heures à 12 km au sud de Douai.
Position abandonnée.
Départ à 13h30 pour Bellonne par Aniche à 20 km à l'est de Valenciennes, Estrées à 12 km à l'ouest de Aniche.
Logement en maison abandonnée.
Nous avons laissé les lits aux réfugiés avec enfants.
20 mai
Départ à 6 heures du matin pour ?
Position de tir en batterie.
Départ à 19h pour une forêt.
Organisé la position.
21 mai
Tirs au canon.
Nombreux avions.
De garde de nuit.
22 mai
RAS.
23 mai
Tirs au canon.
Nombreux avions.
Garde de nuit.
J’ai changé de linge et lavé le sale.
Nous devons aller au repas.
Départ par Brebières à 10 km au sud-ouest de Douai puis Douai.
Avions détruits à l’aérodrome de la Brayelle à proximité de Douai.
Allons à Planque à proximité de Douai.
Repas à Planque.
Repos jusqu’à 24h.
Drôle d’anniversaire !
24 mai
Départ de Planque à 0h30 pour Berchoud par Flers-en-Escrebieux à 12 km au nord de Douai, Carvin à 12 km au nord-ouest de Flers-en-Escrebieux, Phalempin à 4 km au nord-est de Carvin.
Arrivé à 5 heures 30.
Repos.
Pièces en batterie antichars.
Départ à 19h30 pour Salomé à 15 km à l'ouest de Phalempin.
Troupes Anglaises.
Arrivé vers 22h30.
25 mai
Organisé la position.
Bombardement aérien à basse altitude.
Mitraillage par avion, heureusement ne sommes pas touchés.
J’ai couché dehors, sous la pluie.
26 mai
Journée assez calme.
Départ vers 7h30 pour Saint-Éloi (Sint-Eloois-Winkel) (Belgique) à 20 km à l'est d'Ypres (Ieper) par Armentières avec passage en Belgique.
Pluie.
En position près d’une rivière.
Départ vers 18h pour Alverlingen à 18 km au sud-est de La Panne (De Panne) .
27 mai
RAS.
28 mai
Couché à nouveau sous la pluie.
Bonne position mais vite repérée.
Départ vers 18h sans avoir tiré.
Bombardement par 105 à 50 mètres.
Pays détruit aussitôt.
Activité aérienne.
Partons à Vinkem à 5 km à l'ouest de Alverlingen.
29 mai
A Vinkem.
Nombreuses troupes alliées se dirigent vers la mer.
Nous sommes totalement encerclés.
Ravitaillement impossible.
Couchons à l’abri.
En batterie, nous tirons une seule salve par suite de manque de munitions.
Bombardements aériens – sommes protégés par la DCA anglaise.
Tirons 3 salves de 20.
Réunion à la batterie à 20h30.
Le capitaine nous explique la situation, qu’il dit désespérée.
Tristesse générale.
Ordre de déclaveter les pièces et de rendre les tracteurs inutilisables.
Matériel brisé et brûlé.
J’ai sauvé ma valise.
Départ à 22h à pied, pour La Panne à 17 km à l'est de Dunkerque.


extraits du manuscrit du journal de Raymond HANRY 29 mai 1940
30 mai
Départ pour Zuydcotte à 10 km à l'ouest de La Panne avec passage en France.
Repos après une marche de 28 km.
Devons embarquer à 17h.
A 17h, départ pour Malo-les-Bains à 3 km à l'est de Dunkerque.
8 km à pied.
Repos avant Malo-les-Bains, dans les dunes.
Bombardements d’artillerie, sans mal
Disposition par groupes de 25.
Départ de la plage de Malo-les-Bains vers 20h.
Couché dans un jardin.
Bombardement toute la nuit, et au matin.
Deux obus à 20 mètres.
Un mort.
Repas : 2 sardines.

extraits du manuscrit du journal de Raymond HANRY 30 et 31 mai 1940
31 mai
Réveil vers 5h.
Peu dormi.
Peu mangé.
Embarquement mal organisé à Malo-les-Bains.
Les Anglais embarquent dans nombreux petits bateaux de pêche.
Départ à 17h pour Dunkerque.
Bombardement aérien très près, à 1 km environ.
7 tués, 20 blessés.
Marchons environ 6 km pour arriver à l’entrée de Dunkerque.
A 20h, nouveau bombardement de la ville par obus de 150 allemands.
Gros dégâts.
Nous traversons l’entrée de Dunkerque en colonne par un en raison du bombardement.
Puis nous traversons un carrefour au pas gymnastique, ainsi qu’un pont sérieusement arrosés par obus, heureusement un seul d’entre nous est touché par les éclats qui volent partout.
Très impressionnant.
Regroupement dans une cour où nous passons la nuit ; dormons par terre (en fait le lendemain, je m’apercevrai que j’avais dormi sur un tas d’éclats de verre).
Soirée dont je me rappellerai.

extraits du manuscrit du journal de Raymond HANRY 30 et 31 mai 1940

Raymond est démobilisé le 15 août 1940, il retrouve alors Henriette et reprend son travail à la boulangerie paternelle d’Ivry-sur-Seine. Ils s’installeront ensuite à Aubervilliers.

Au début de l’année 1943, Raymond, par refus du Service du travail obligatoire en Allemagne (STO) pour lequel il est réquisitionné, s’engage dans la Police nationale.

La vie s’écoule, avec ses joies, la naissance de quatre enfants, et ses peines, la perte de deux d’entre eux, Marie-Antoinette et Guy.

Henriette, qui a été une maman « tendresse », devient mamie "douceur" avec ses trois petits-enfants, mais une longue maladie l’emporte le 26 juin 1973.

Raymond aura le bonheur de connaître deux de ses arrière-petits-fils. Sur la lettre écrite avant son passage sur l’autre rive, le 4 avril 1999, il nous dit :
« J’ai eu une vie bien remplie, avec des désagréments, bien sûr, mais aussi avec beaucoup de satisfactions, dont celles que vous m’avez apportées ».