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DE DÉBUT FÉVRIER AU 15 MARS 1945
LE FRONT DE SAINT-NAZAIRE
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les visites des familles |
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la liquidation des denrées en surplus |
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le règlement des denrées réquisitionnées |
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les permissions |
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les anecdotes vécues |
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Les visites des familles
Les familles n'avaient pas le droit de nous rendre visite sur le front excepté dans les zones sécurisées, Clémence et Serge sont venus me rendre visite à Caden pendant quelques jours. |
Mon fils Serge dans les bras de mon épouse Clémence à Caden lors de leur visite.
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La liquidation des denrées en surplus
De février à la fin mars 1945, j'ai été chargé, avec un instituteur, Job Le MEUR, d'assurer l'inventaire et la liquidation du matériel et des denrées afin de les confier à l'intendance. C'est avec la traction avant Citroën réquisitionnée au notaire de Louargat Eugène Le Cocq par mon beau frère Eugène Le Lagadec que nous avons accompli ces missions. Il y avait des surplus alimentaires. Le curé de Caden voulait que je les cède à l'école catholique. Je lui ai dit que tout était déjà promis, ce qui n'était pas vrai, puis je suis parti à la recherche d'une école publique. J'ai eu du mal à en trouver une, étant donné que toutes les écoles avaient été repliées loin des zones de bombardement, mais, dans un endroit complètement perdu j’ai trouvé une école, à proximité d'un château. Quand nous sommes arrivés avec le camion, les gamins nous ont entourés, découvrant des denrées qu'ils n'avaient pas souvent eu l'occasion de manger depuis longtemps : du sucre, des conserves de petits pois, de haricots, de la viande en conserve (le fameux "singe"). Ils étaient heureux comme tout, ne s'attendant pas à pareille aubaine. |
Le règlement des denrées réquisitionnées
Sur le Front de l'Atlantique une des grosses difficultés à surmonter fut l'approvisionnement des troupes, avec l'accord de l'intendance militaire nous pouvions réquisitionner de la nourriture chez les cultivateurs et les commerçants en délivrant en échange un bon de prise en charge de la marchandise signé par les 2 parties.
Les chefs de bataillons pouvaient aussi suivant les besoins donner des ordres de réquisitions,
il m'est arrivé d'aller ainsi chez un cultivateur pour des pommes de terre que je payais ce jour là en liquide.
Les personnes mises à contribution par ces réquisitions pensaient ne jamais être remboursées, je peux affirmer que toutes celles qui à ma connaissance avaient participé à l'approvisionnement ont été dédommagées.
Avec Clémence et Serge qui étaient venus me rendre visite à Caden nous sommes allés à La Gacilly dans le Morbihan régler un compte par rapport à du cidre qui avait été réquisitionné par l'intendance militaire chez un nommé Rocher un grand homme par la taille qui exploitait une grande ferme, je lui ai donc remis le règlement correspondant à une barrique et un fût de cidre (plus tard son fils Yves deviendra célèbre par rapport à une entreprise de produits cosmétiques qu'il créera, il sera connu dans le monde entier).
Ensuite nous sommes allés à Locminé toujours dans le Morbihan chez une charcutière pour régler des denrées prélevées par l'intendance, en échange de l'argent liquide donné, les 2 parties signaient 3 reçus, un pour le réquisitionné les deux autres me revenant, avant de nous quitter je lui ai demandé si elle pouvait me conseiller un petit restaurant pour le repas de midi, sur ces indications nous y sommes allés, prenant place nous avons passé commande, mais ce jour là était vendredi Saint (le 30 mars 1945) donc aucune viande n'était servie dans tous les restaurants, une jeune femme est entrée dans la salle avec un paquet, nous reconnaissant elle nous l'a remis, c'était un saucisson donné par la charcutière qui sans doute n'en revenait pas d'être dédommagée, je me suis dis : "ça tombe bien on va pouvoir manger un peu de viande", je commençais à découper des rondelles de ce saucisson quand la serveuse est arrivée avec la soupière, j'ai cru qu'elle allait la laisser tomber, elle n'avait sans doute jamais vu quelqu'un manger de la viande un vendredi Saint, pour moi et Clémence cela ne posait aucun problème n'étant pas croyants. Deux colonels qui se trouvaient attablés ne semblaient pas du tout apprécier notre menu. |
Les permissions
J'ai eu quelques permissions pour aller voir ma famille. C'était l'occasion de laver mon linge. |
Les anecdotes vécues
- À Pluvigner, dans le Morbihan, un de nos camarades a soudain fait une crise de folie. Il a pris en otage la directrice de l'école et a menacé de la tuer. La bave sortait de sa bouche, il fallait faire à tout prix éviter un drame. J’ai frappé à la porte de la pièce où notre camarade était retranché. Il m'a ouvert. J'ai pu entamer avec lui une discussion et l’ai convaincu de lâcher son arme… L'enseignante a eu la vie sauve.
- À Caden, toujours dans le Morbihan, certains d’entre nous étaient hébergés dans une école ; une cloison à claire-voie sur laquelle était fixé le tableau nous séparait de la classe, Emile Brizaut eut l’idée de chatouiller les jambes de l'institutrice avec une paille. L’institutrice ne bronchait pas. Le mari survenant, et surprenant la scène insolite, est venu me trouver, furieux. Je lui ai dit : "Mais votre femme, que dit-elle ?", "Rien ! Que voulez vous qu'elle dise contre ces grands gaillards ?"
- Sur la ligne de front à Lorient, un de nos camarades Émile Ribaut a fait le pari de boire cul sec un quart d'alcool. Lui qui ne buvait jamais d'habitude, subitement ivre, il a pris son arme, s’est avancé à découvert vers la rivière face aux lignes allemandes. Les Allemands avaient disposé des tireurs d'élite qui avaient déjà tué plusieurs camarades imprudents. Il a tiré une rafale de mitraillette qui a reçu une réponse immédiate. Dégrisé par une trouille terrible, il a pu nous rejoindre, couvert de boue par les impacts de balles ennemies. Émile Ribaut est parti par la suite s'installer comme garagiste au Canada.
- À Caden encore, nous avons reçu une attribution de tonneaux d'alcool, répartis par compagnie, à distribuer à nos camarades. Peu après, une infirmière Joséphine Tilly "Fifine" est venue me trouver, me disant : "Armand, un camarade est en train de délirer". Je me suis rendu sur place et j’ai compris : il voyait des rats partout autour de lui, il faisait une crise de delirium tremens. Ce que voyant, j’ai pris le tonneau avec l'aide d'autres camarades je l’ai vidé dans la nature, au grand désespoir de certains qui ne voyaient pas les dangers de ce cadeau empoisonné.
- Toujours à Caden, Émile Ribaut mécanicien de profession venait de remettre en état une moto, étant sous ma responsabilité je l'autorisais à effectuer une promenade avec un autre camarade mécanicien comme lui, en cours de route le pneu arrière éclata, la moto fit un vol plané ainsi que ses passagers, celui situé à l'arrière ne put jamais retrouver la pipe qu'il portait à sa bouche au moment de l'accident, quant à Émile Brizaut il garda toute sa vie des séquelles de cette envolée boitant d'une jambe, c'est cette moto qui figure en photo sur laquelle mon fils Serge est monté. |
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