Lorsque les gens entamaient une miche de pain, ils traçaient sur le plat de la miche à l’aide de la pointe du couteau un signe de croix sans le marquer. En cas de manquement par des enfants un coup de louche ou de cuiller sur la main était là pour les rappeler à l’ordre. Il était impensable de voir sur la table une miche de pain à l’envers, c’était très mal vu, on disait : "on ne gagne pas son pain sur le dos" ce qui se traduit par : "on ne gagne pas son pain en se prostituant". Ces gestes étaient entrés dans les moeurs même pour ceux sans attache avec la religion, ils se faisaient de façon automatique.
Ma mère m’a raconté que lorsqu’elle demeurait à son retour du Havre en 1900 chez mes grands parents paternels à Lanverc’h en Gurunhuel les jours d’orage ma grand-mère Jeanne-Marie THEPAULT très croyante faisait brûler dans la cheminée le reste de la bûche de Noël, ce morceau de bois était conservé pieusement dans le grenier et avait soit disant le pouvoir de faire s’éloigner l’orage. Ma grand-mère choisissait une prière qu’elle annonçait reprise par toute la famille. Tous étaient plus ou moins terrorisés par le bruit du tonnerre, les hommes comme les femmes et davantage sans doute les enfants, alors ma grand-mère disait tout haut : "au nom de Dieu que quelqu’un aille chercher la bûche dans le grenier", personne osait y aller, ma mère se disant : "puisque personne veut y aller et bien je vais aller la chercher cette bûche" se dévouant ne croyant pas à toutes ces histoires. Bien sur si l’orage s’arrêtait (mais il fallait bien qu’il s’arrête) c’était grâce à la bûche de Noël.
Lors des incendies, le premier à être prévenu était le curé qui arrivait sur les lieux avec son livre de messe et se mettait à réciter des prières. A ma connaissance il n'a jamais par ses gesticulations réussi à éteindre le moindre incendie.
Tous les ans, au mois de mai, il y avait le mois de la Vierge, tous les jours vers 18 heures ceux attachés à leur croyance faisaient le chemin de croix dans l'église, ils s'arrêtaient à tous les tableaux ou stations et récitaient des prières. En général c’était le rendez-vous des bigotes.
En 1935, lors de mon départ au service militaire une messe était organisée pour les jeunes conscrits, à la suite de cette messe un casse croûte était distribué, je fut le seul sur une dizaine à ne pas assister à la messe, devant l'insistance de mes camarades je suis allé manger le casse croûte avec eux.
Ma mère avait sa journée rétribuée pour aller chercher de l’eau avec une bouteille dans une source située à Saint-Vincent en Pédernec soit à 10 km aller retour, elle le faisait pour plusieurs cultivateurs du secteur où nous habitions qui nous pouvaient ou ne voulaient pas se déplacer, l’eau de cette source était censée guérir les petits cochons malades. Ne croyant pas ce genre de chose, il lui arrivait qu'en cours de route elle remplisse le récipient à un point d’eau et retourne à la maison lui évitant ainsi une perte de temps et la fatigue. Dans ces occasions, elle se transformait en "pèlerine vicaire" ou "pèlerine par procuration", faisant un pèlerinage pour d'autres personnes contre rétribution.
Vers 1925, ma mère a rencontré un nommé LAURENT demeurant non loin de chez nous à Quillibert en Louargat, il était d'une famille de cultivateurs très assidue à l'église, il a dit à ma mère :
- "Tu sais Maï, il ne faut jamais rentrer dans les étables et dans les écuries à minuit le soir de Noël parce que les animaux se mettent à parler entre-eux".
Ma mère comme je l'ai déjà dit ne croyait pas ce genre d'histoire se mit à rire.
Le cultivateur ne comprenant la réaction de ma mère et voyant qu'elle ne le croyait pas poursuivi :
- "Si Maï, je connais même quelqu'un qui a entendu une jument dire à une autre jument que son maître était mort et qu'elle allait le conduire au cimetière".
Lorsqu’une nouvelle construction était mise en service (habitation, étable, écurie, porcherie...) le curé venait avec son livre de messe et faisait des prières, cette cérémonie de bénédiction se faisait avant de pénétrer dans la construction pour les hommes comme pour les animaux.
Certaines personnes raisonnaient dans la mesure du temps par des repaires religieux, par exemple : "je viendrai vous voir une semaine après la semaine sainte".
On faisait croire aux enfants que lorsque l’on faisait son petit pipi le soir dehors avant d’aller se coucher il fallait le faire de façon à ce que la lune ne nous voit pas.
Le frère de mon père le Tonton Louis avait fait la grande guerre de 1914-1918, il avait fait l'engagement qu'au cas ou il sortirait vivant de cette grande boucherie il ferait un pèlerinage pieds nus à la chapelle Notre-Dame-de-Pitié de Saint-Carré en Lanvellec. Vers 1930 environ il a tenu sa promesse et a parcouru sans ses chaussures la distance d'environ 20 km partant de chez lui à Pont-Jaudy en Louargat au bord de la route nationale 12, pour le retour ayant remis ses chaussures il s'est arrêté chez ma mère à La Villeuve, il était complètement épuisé et soufrait beaucoup des pieds, il supplia ma mère de lui faire à manger il n'en pouvait plu.
De son passage au Havre avant 1900, ma mère avait rapporté un sous globe cadeau parait il d'une bonne soeur, malgré son détachement par rapport à la religion elle l'avait conservé et placé en évidence sur le vaisselier. Cet objet religieux haut d'environ 40 cm et d'un diamètre d'environ 20 cm était constitué d'une espèce de cloche en cristal donc transparente dans laquelle était placée une vierge. Lorsque le curé venait à la maison, à chaque fois qu'il passait devant il s'agenouillait et faisait des prières. C'est ma nièce Thérèse la fille de mon frère Baptiste qui l'a précieusement conservé et mis aussi en évidence chez elle. |