Vers 1923, il y a eut la mode des cheveux à la Jeanne d'Arc, les curés se révoltaient contre ça, ils avaient même inventé une chanson sur ce sujet en breton : "une habitante du coté de Kernev (pays considéré comme arriéré) avait coupé ses cheveux courts, tant pis pour elle tant pis pour tous...".
Vers 1925 à La Villeneuve en Louargat nous avions comme voisin Joseph "Job" ROLLAND ancien combattant de la guerre 1914-1918, il était de la même famille que l'accordéoniste aveugle Louis ROLLAND du Fruguil, Anna sa fille est partie à Troyes dans l'Aube travailler chez des bonnes sœurs à faire du tissage. Elle est revenue environ 6 mois plus tard, c'était un vrai cadavre ambulant, elle était méconnaissable tant elle était maigre et faisait pitié à voir. Elle expliqua que les bonnes sœurs la faisait lever très tôt le matin et travailler beaucoup d'heures dans la journée qui étaient entrecoupées de prières. Cela fit scandale à Louargat de voir la maltraitante des représentantes de l'église. Anna parti par la suite avec un gars de Saint-Paul trouver du travail en Dordogne.
En 1931, j’avais 16 ans, je subis une opération pour une hernie inguinale et des varices dans les testicules, c'est le médecin de Belle-Isle-en-Terre BOURHIS qui m'a fait diriger vers l'hôpital de Pabu près de Guingamp, j'y suis resté 3 semaines, ma mère n'ayant pas les moyens financiers nécessaires ni d'assurance, c'est la commune qui pris en charge tous les frais malgré ses peu entrées d’argent. A la sortie de la salle d'opérations mis dans mon lit j'étais dans le cirage du fait de l'anesthésie, je suis alors tombé par terre, une bonne sœur nommé BONSECOURS m'a engueulé, me saisissant elle me jeta sur mon lit, provoquant la rupture des agrafes, c'est seulement 8 jours plus tard que l'on s'en est aperçu en retirant le pansement. Le chirurgien le docteur LE PAGE ne mâcha pas ses mots pour réprimander la bonne soeur.
En 1934, lors des élections, devant l’église un nommé KERELLO maçon de son état interpella le curé LE BRETON (encore lui), le poing levé en criant : "vive PERROT à bas la calotte", PERROT étant un candidat "républicain" il reçu une paire de gifle du curé.
Vers 1935, à Louargat lors des fêtes au mois d'août, une course cycliste fut organisée, les coureurs passaient sur la N12 venant de Guingamp, Hyppolite LE BRUN avait la responsabilité de son déroulement. Au moment du passage de la course une procession venant de la route de Saint-Éloi déboucha sur la route nationale, Hyppolite demanda à l'homme de tête de la procession de bien vouloir se décaler sur le coté de la chaussée pour assurer en toute sécurité le passage de la course, ce qu’il fit, voyant la scène, le prêtre obligea son paroissien à reprendre place au milieu de la route barrant ainsi le passage des coureurs. Hyppolite prenant à témoin l’assistance prévint le prêtre qu'en cas d'accident il en porterait toute la responsabilité, le prêtre craignant des suites céda et tout rentra dans l'ordre, mais il fallut la fermeté d’Hyppolite pour en arriver là.
En 1935 – 1937, lors de mon service militaire à Fontainebleau, tous les dimanches il y avait la messe, le premier dimanche j’étais le seul avec un autre copain de ma chambrée sur 20 à refuser d’y aller au grand étonnement de certains qui considéraient que tous les bretons étaient grands croyants et pratiquants. Du fait que je n’allais pas à la messe, un brigadier chef de la chambrée voulu que je lui nettoie son vélo, je refusais bien évidement.
Le lendemain lors de l’inspection de chambrée il jeta tout mon paquetage par terre, je bondis sur ses affaires et en fis de même. Il dira aux copains : "dis donc il est nerveux le petit breton". Il n’y eut pas de suite. Les dimanches suivants il n’y avait plus que 2 ou 3 copains à aller à la messe. Je raconte cela pour bien montrer comment la religion était utilisée et les brimades que pouvaient subir ceux qui ne s’y soumettaient pas.
Toujours durant mon service militaire, je fus hospitalisé, les soignantes étaient des religieuses, si on voulait avoir une permission de convalescence il était impératif d’aller à la messe.
Il est vrai que mes rapports avec les curés de Louargat furent conflictuels, ne gardant d'eux que le souvenir de curés despotes. Par contre durant mon service militaire à Fontainebleau sur la période 1935 - 1937 mais aussi lors de ma mobilisation en 1939 - 1940 j'avais avec moi deux bons copains abbés : Georges GUILLOU "Jojo" demeurant à La Roche Frossay près de Pornic dans la Loire-Atlantique et un séminariste Alexandre DUHIL demeurant 18 rue Saint-Nicolas à Monfort-sur-Meu dans l'Ille-et-Vilaine, nous nous entendions bien, nous ne parlions jamais de la religion, nos contacts étaient très cordiaux, des rapports d'égal à égal.
Le 14 mai 1940 en Belgique durant la drôle de guerre nous avons subit un mitraillage de bombardiers allemands les Stukas, durant l'attaque Georges GUILLOU était resté à genoux à prier, je lui ai dit : "espèce de con au lieu de prier tu ferais mieux de te mettre à l'abri dans le fossé", ce qu'il fit, ce qui ne l'empêcha pas d'être blessé par un pavé qui lui retomba sur les reins, il retourna chez lui en convalescence, puis il rejoignit notre unité. Le 9 juin 1940 nous nous sommes retrouvés dans une grange de nuit au sud de Paris, nous reconnaissant à la voix, s'en suivit le dialogue suivant :
- "mais on dirait la voix de TILLY !",
- "oui c'est moi, mais qui tu es ?"
- "c'est moi Jojo, je te croyais mort !"
C'était l'abbé Georges GUILLOU de ma batterie.
- "moi aussi je te croyais mort !"
- "j'ai été blessé et après ma blessure je suis retourné chez moi en convalescence et à la maison il y a eut des petits chats, j'en ai baptisé un TILLY à ton nom en ta mémoire"
Plus tard en 1945, lorsque j’étais sur le front de l’Atlantique à contenir avec mes camarades FFI l’armée allemande retranchée dans leurs blockhaus, j’étais à la recherche de locaux pouvant nous abriter à une trentaine, ayant repéré le presbytère bien pourvu pour nous héberger avec espaces pour dormir pour faire la cuisine et des sanitaires... je suis allé voir le maire du village, qui m’a dit à mon grand étonnement : "il faut demander à Monsieur le curé", nous sommes allés trouver ce dernier, celui-ci a refusé que nous prenions possession des lieux prétextant que ces locaux étaient réservés pour recevoir ses hôtes (d’autres curés), devant son refus j'ai décidé de réquisitionner "son presbytère" à son grand désarroi.
Ce curé aurait préféré nous voir dormir dehors alors qu’il disposait d’un grand bâtiment vide, charitable Monsieur le curé ! De toute évidence dans ce village rien ne se passait sans l’avis du curé.
De temps en temps un ancien Terre-Neuvas nommé Yves-Marie RIOU qui habitait Keranfiol après avoir un peu trop bu escaladait le clocher de l'église à mains nues, il lui arrivait de faire le cochon pendu sur la croix de l'extrémité du clocher c'est à dire qu'il se retrouvait la tête en bas, mais une fois il ne pu redescendre par ses propres moyens, c'est le ferblantier de Belle-Isle-en-Terre Ange LE TALLEC passant par là qui est venu à son secours pour l'aider à descendre. Yves-Marie RIOU devait du haut du clocher retrouver les sensations qu'il éprouvait du haut des matures des voiliers lors des campagnes de pêche.