NOUS,
Commissaire du Gouvernement près de la Cour de Justice de Quimper :
VU la procédure introduite contre
BOTROS Hervé, 25 ans, employé de commerce à Lanmeur
GUILLOU René, 22 ans, marin d'état et détenu à Perros-Guirec, inculpé d'intelligence avec l'ennemi.
Attendu que des pièces de l'instruction résultent les faits suivants :
Originaire de Lanmeur où il est né le 22 décembre 1919, BOTROS Hervé était employé de commerce dans cette localité où ses parents tiennent un bazar-épicerie.
Fait prisonnier par les Allemands en 1940 à Vannes où il était incorporé aux 505e Char d'Assaut, il a été envoyé dans un stalag en Autriche et libéré en juin 1941 comme étant l'aîné de six enfants.
Il revint alors à Lanmeur, là, il rencontra GEFFROY, autonomiste notoire avec lequel il fit la fête et se livra aux pires débauches. Celui-ci a été condamné le 15 février 1945 par la Cour de Justice du Finistère pour intelligence avec l'ennemi et port d'arme contre la France, à la peine des travaux forcés à perpétuité.
En 1942, BOTROS adhéra au P.N.B. et devenait chef cantonal de Lanmeur.
En 1944, il entrait en relation avec LAISNE, Chef de la formation extrémistes du P.N.B. auquel promettait de livrer les Patriotes de Lanmeur et de la région et adhèrait à cette fraction du Parti.
En 1945, BOTROS possédait
des papiers allemand qui lui permettaient de circuler librement et lui donnaient un certain pouvoir, celui notamment d'obliger la Feldgendarmerie de se démunir à son profit de certaines affaires.
Dès lors il était l'homme à tout faire des autorités allemandes, il a manifesté avec zèle une activité sans bornes.
Dès le début de 1944, BOTROS faisait partie du Kommando de Landerneau, organisme allemand créé en vue de combattre la Résistance, qui était dirigée par le lieutenant KRUGER, secondé lui-même par le sergent interprète SCHAAD.
I° - En juin 1944, BOTROS et GEFFROY montaient à Primel une montreuse affaire de provocation et se faisaient passer pour des membres de la résistance. Ils entraient en relation avec les docteurs VON HOEVEL, GUILLOU et LOYEN et AUBERTIN et après avoir établi contre eux des faits de détention d'armes, il les faisait arrêter par des agents de la Gestapo de Morlaix. Tandis que GEFFROY les interrogeait BOTROS pratiquait sur eux des actes de torture. VON HOEVEL, GUILLOU et LOYEN ont été fusillés à Rennes où leurs cadavres ont été trouvés dans une fosse à Saint-Jacques-de-la-Lande ; AUBERTIN a été déporté en Allemagne.
2° - Le 4 juin
1944, vers 4h, du matin, BOTROS accompagné des soldats allemands faisait une descente à Perros-Guirec, à l'Hôtel du Cheval-Blanc tenu par M. LE MERRER, chef du groupe de résistance de cette localité qui était suspecté de détenir des armes. C'est BOTROS qui dirigeait les opérations. LE MERRER et son gendre LE LANNOU furent allongés à terre et roués de coups de nerf de bœuf. D'un coup de talon, BOTROS écrasa les doigts
de la main de LE LANNOU en le sommant de dire où se trouvait les armes. Conduit par les Allemands à la recherche des membres de la Résistance, LE MERRER fut à nouveau frappé à l'aide d'une corde à nœud avec une telle violence que les coups provoquèrent de déchirure au ventre d'où sortaient les intestins. A la suite de cette affaire 13 arrestations furent opérées parmi lesquelles celle de M. LE MERRER de son fils, de sa fille et de son genre. 5 des individus arrêtés ont été tués ou sont décédés, les autres ont été déportés en Allemagne plusieurs n'ont jamais donné leur nouvelles.
3° - Le 5 juillet 1944, les Allemands arrêtaient à Plougasnou sur la dénonciation de BOTROS, 4 jeunes gens, JÉGADEN, MASSON, BESCOND et Mlle JEGADEN. Ceux-ci furent brutalisés, torturés. Ils sont morts sous les tortures ou tués d'une balle dans la nuque. Leurs cadavres ont été jetés dans une fosse. C'est BOTROS qui procéda à l'interrogatoire de ces malheureux auquels il ne ménagea pas les tortures. Deux rescapés JÉGADEN Émile, frère de l'une des victimes, et PRIGENT Marcel on fait le récit des actes de torture dont qu'ils avaient été eux-mêmes l'objet de sa part.
4° - Le 6 juillet 1944, BOTROS faisait arrêter un de ses anciens condisciples, le sieur Guy PERON et le faisait conduire dans la demeure de GEFFROY alors
absent de son domicile à Lezingar en Locquirec où il le torturait. PERON réussit à s'évader du train qui le conduisait à Fresnes d'où il aurait été déporté en Allemagne.
5° - BOTROS a participé avec le Kommando de Landerneau à un certain nombre d'opérations destinées à rechercher les membres de la résistance :
a) - A Huelgoat et Scrignac où il s'agissait de découvrir les auteurs ou complice de l'exécution de l'abbé PERROT, recteur de Scrignac. Il était revêtu de l'uniforme allemand et armé d'une mitraillette. il fut procédé à des arrestations, à celle notamment d'un sieur GUILLOU sur lequel BOTROS se livra à des violences. Bien qu'il sut qu'il était trépané. Aucune arrestation ne fut d'ailleurs maintenue.
b) - Dans la région de Landévennec, où fut arrêté le jeune SEVAER, titulaire d'une fausse carte d'identité fabriquée par son père qui fut lui-même arrêté. Le fils SEVAER ayant tenté de s'enfuir fut tué par BOTROS et son cadavre retrouvé horriblement mutilé. Son père fut l'objet de violence la part BOTROS et de GEFFROY. Il devait être trouvé peu après pendu dans sa cellule.
c) - A Saint-Méen Trégarantec où un combat fut engagé
entre les Allemands et les civils qui les accompagnaient et des membres de la résistance et au cours duquel 8 de ceux-ci furent tués. Le propriétaire de la ferme où étaient hébergés les patriotes M. THEPAULT fut abattu par BOTROS et GEFFROY. Ceux-ci comme dans toutes les opérations de cette nature étaient armés et vêtus d'un uniforme allemand.
d) - A Rosnën où une attaque fut livrée contre un maquis au cours de laquelle aucun patriote ne fut tué ni blessé.
e) - A Scaër où un combat s'engagea entre les membres de l'expédition et les hommes d'un maquis.
f) - A Lesneven où il fut procédé à l'arrestation du docteur LECUYER suspecté d'être détenteur d'un poster émetteur de T.S.F.. BOTROS demanda lui-même de procéder à son interrogatoire et se livra sur lui à des violences.
6° - Le 29 juillet 1944 BOTROS accompagné de GEFFROY entrait dans la matinée dans le bar tenu à Rennes par Mademoiselle BOHUON. Ils engagèrent avec la tenancière de l'établissement et les membres de la famille la conversation qui portait notamment sur les maquis et se donnèrent comme appartenant à un groupe de résistance du Finistère.
En quittant le bar BOTROS et GEFFROY prirent rendez-vous avec leurs interlocuteurs pour 14 heures dans le même établissement afin d'y poursuivre la conversation commencée.
Vers 14 heures alors que tout le monde était présent et que la conversation la matinée allait reprendre, des soldats allemands firent irruption dans le bar et, sans s'inquiéter de BOTROS ni de GEFFROY arrêtèrent les personnes qui s'y trouvaient et les conduisirent au siège de la Gestapo où des violences furent exercées sur certaines certaines d'entre-elles. BOTROS et GEFFROY assistèrent à l'interrogatoire de l'une des personnes arrêtées, le Sieur BOHUON et le frappèrent, BOTROS avec un acharnement particulier. Les victimes ont la conviction d'avoir été dénoncées par BOTROS et GEFFROY. BOTROS reconnaît une partie des faits qui lui sont reprochés.
Il est l'objet de mauvais renseignements et représenté comme paresseux
et débauché ; examiné au point de vue mental il a été reconnu pleinement responsable de ses actes.
Aucune charge n'a été relevée contre GUILLOU qui permettent de le retenir dans les liens de la prévention.
Attendu que de cet exposé il ne résulte pas de charges suffisantes contre GUILLOU René des faits visés à notre réquisitoire introductif, disons n'y avoir lieu de suivre contre lui.
Mais attendu qu'il résulte des charges suffisantes contre BOTROS Hervé, d'avoir sur le territoire métropolitain, depuis le 16 juin 1940, étant français, en temps de guerre :
1) porté les armes contre la France,
2) entretenu avec des agents et sujets de l'Allemagne puissance ennemie, en vue de favoriser les entreprises de cette puissance contre la France ou ses alliés,
Attendu que ces faits constituent les crimes prévus et punis par l'article 75 1° et 5° du Code Pénal et l'ordonnance du 28 novembre 1944,
Décidons le renvoi de BOTROS Hervé devant la Cour de Justice du Finistère.