Armand Tilly
de Fontainebleau à Payrin-Augmentel
du 17 mars 1939 au 25 juin 1940
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LE 9 JUIN 1940 A ÉVREUX SOUS LES BOMBES ALLEMANDES

Le dimanche 9 juin 1940, alors que nous traversions Evreux, la ville subit un bombardement de l'aviation allemande (le 9 juin 1940, au début de l'après-midi, sous un magnifique soleil printanier, une pluie de fer et de feu s'abat brutalement sur Évreux. Une trentaine de Messerschmitt, surgis des collines de Cocherel, bombardent sauvagement la ville dépourvue du moindre objectif militaire. En quatre raids successifs, se prolongeant jusqu'à la nuit, ils rasent le centre ; onze hectares d'habitations sont détruits ou endommagés gravement, la cathédrale est quasiment anéantie, seule subsiste la tour de l'Horloge. La gare et la Chambre de commerce ne sont plus que ruines fumantes. 560 morts, plus de 300 blessés ! Alors que les habitants d'Evreux abasourdis font leur triste bilan, deux jours plus tard, dévalant par la côte Saint-Michel, les panzers se fraient un passage dans les décombres qui brûlent encore. Pour Évreux, l'occupation commence, les épreuves continuent). Par sécurité le commandant décida d'arrêter la colonne le long d'un grand mur de 3 mètres de haut environ qui semblait entourer l'hôpital sur lequel était peinte une grande croix rouge, la gare était à proximité. J'ai vu plusieurs bombes tomber à proximité de cet hôpital sans savoir s'il avait été touché. Nous avons débarqué des véhicules, une bombe est tombée à proximité de nous sur un hôtel, y mettant le feu, bloquant les issues. Une femme criait "au secours !". Je me suis précipité pour la sortir de la fournaise. C'était une femme forte d'environ 60 ans ; elle me supplia d'aller chercher son mari qui était dans les flammes. Je l'ai aperçu dans le feu en tenue d'adjudant, assis sur un siège affalé et sans doute déjà mort. Un soldat anglais ayant sans doute perdu son unité longeait le haut mur en titubant, je me suis approché de lui, il avait du sang qui coulait de sa bouche et de ses oreilles, j'ai voulu lui demander s'il avait besoin d'aide, d'un seul coup il s'est écroulé je n'ai pas su pour quelle raison. Une autre femme était coupée en deux au niveau de la poitrine. Il dut y avoir beaucoup de morts. L'arrêt a été de courte durée, nous sommes repartis 5 à 10 minutes plus tard, ne pouvant rester porter secours à ces gens car nous devions filer au plus vite afin d'arriver à Ivry-la-Bataille avant les Allemands. La ville d'Evreux a donc été bombardée alors que l'armée allemande ne devait arriver que quelques jours plus tard. Le but de ce crime était sans doute de créer un choc psychologique dans la population pour montrer la supériorité des nazis et montrer aussi que toute résistance était inutile.

En cours de route, nous nous sommes arrêtés dans une grande ferme pour y passer la nuit. Il y avait une grande écurie et une grande grange, les rats y couraient de partout. Dans l'obscurité je me suis mis à parler et une voix se fit entendre provoquant un dialogue insolite :
- "mais on dirait la voix de TILLY !",
- "oui c'est moi, mais qui tu es ?"
- "c'est moi Jojo, je te croyais mort !"
C'était l'abbé Georges GUILLOU de ma batterie.
- "moi aussi je te croyais mort !"
- "j'ai été blessé et après ma blessure je suis retourné chez moi en convalescence et à la maison il y a eut des petits chats, j'en ai baptisé un à ton nom en ta mémoire"

Nous avons continué pour arriver à Ivry-la-Bataille. En fait, nous n'avons pu nous arrêter pour nous réarmer parce que les Allemands arrivaient juste. Nous avons débarqué des camions au sud-est de Paris, puis continué à pied pour arriver à Sully-sur-Loire dans le Loiret. (La ville a été bombardée par la Luftwaffe du 14 au 16 juin 1940).
Nous sommes arrivés dans un petit un bois et étions toujours le regroupement des 225 embarqués à Dunkerque, plus quelques-uns récupérés en cours de route, il faisait nuit, nous nous sommes installés pour y passer la nuit, je réussi à trouver un endroit semblant confortable dans l'herbe à même le sol, le lendemain quand je me suis réveillé j'étais tout rouge, en fait j'avais dormi sur une fourmilière.
Par la suite il semble que l'objectif de nos supérieurs était de nous rapprocher au maximum de la frontière espagnole.