Armand Tilly
de Fontainebleau à Payrin-Augmentel
du 17 mars 1939 au 25 juin 1940
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MON SENTIMENT SUR CETTE PÉRIODE

Comme tous mes camarades, j'ai cru à plusieurs reprises que j'allais me faire tuer sous ce déluge de feu, souffrant du froid, de la faim, de la soif, du manque de sommeil, la peur au ventre de tomber entre les mains des Allemands. Aucun de nous ne peut affirmer ne pas avoir eu peur, et même à de nombreuses reprises.
Le 31 mai, nous quittons Dunkerque alors que les Allemands vont être maître de la ville le 4 juin.
Le 9 juin, nous quittons Evreux alors que les Allemands y arrivent le 11 juin.
Vers le 10 juin, nous passons à Ivry-la-Bataille alors que les Allemands arrivent pratiquement en même temps que nous.
Vers le 15 juin nous passons la Loire à Sully-sur-Loire, les Allemands y arriveront quelques jours plus tard.
Nous n'avons fait que courir devant eux jusqu'à notre passage en dite "zone libre". Nous croyions alors être en sécurité mais notre train fut mitraillé une fois par des chasseurs italiens alors que nous étions arrêtés dans une courbe ; encore une fois par chance il n'y eut aucune victime.
J'estime avoir eu beaucoup de chance de ne pas avoir été blessé, tué ou fait prisonnier.

Je tiens à mettre en cause l'imprévoyance de notre encadrement celui de l'état-major général, comment expliquer que le front étant alors coupé par les Allemands certaines unités continuaient à monter vers la Hollande ? Nous n'étions même pas au courant que nos lignes étaient coupées. Ce n'est que plus tard que nous avons été informés que les Allemands croyaient à un piège qui leur était tendu tant la stratégie de l'état-major général français était incohérente.

Certains faits sont à signaler :
- les chars français de marque Renault, Somua et Hotchkiss, de construction coulée avec des formes arrondies étaient nettement supérieurs aux chars allemands de construction par plaques soudées ou boulonnées avec des angles vifs, ils ne furent battus que par un manque de soutien logistique, par manque de ravitaillement,
- l'absence de l'aviation française, je n'ai vu aucun avion français voler durant toute la campagne,
- l'absence de DCA (Défense Contre Avions) pour s'opposer au sol à l'aviation allemande,
- l'équipement en armement dépassé, nous avions des mitrailleuses DCA datant de 1913 de la manufacture d'armes de Saint-Etienne alors que plus tard nous avons su que des stocks importants d'armes plus récentes dont des canons antichars étaient disponibles à Bourges, cet équipement tomba entre les mains des allemands.

J'ai pu me faire une idée dès le 14 mai 1940 du comportement de l'armée allemande n'hésitant pas à mitrailler des colonnes de réfugiés sans défense, femmes, enfants et vieillards compris, n'hésitant pas à bombarder une église ou à bombarder une ville pour la raser. J'ai tout de suite compris qu'il fallait tout faire pour chasser de notre pays cette bande de criminels dont le but était d'asservir le peuple français.

Je ne me doutais pas du chemin à parcourir pour arriver à nos fins et le prix à payer pour y parvenir. Il nous faudra près de 5 années pour nous débarrasser de cette bête immonde que fut le nazisme. Que de sang et de larmes versés. Que de souffrances et de destructions endurées. Mon engagement dans la Résistance sera une suite logique de cette période vécue et fera l'objet prochainement d'une publication sur Internet.

Je suis très content que ce site ait pu apprendre aux familles BILLION du ROUSSET, CHAMPETIER de RIBES et HATZENBERGER les circonstances de la mort de leur parent plus de 60 années après.