LE 10 MAI 1940 LA MONTÉE EN LIGNE |
L e 10 mai 1940, l'armée allemande la Wehrmacht pénètre en Hollande, en Belgique, au Luxembourg et en France. Alors que nous sommes depuis plusieurs jours cantonnés à Guise dans l'Aisne, l'ordre de départ est donné pour traverser la frontière belge, (le QG de la 1ère armée se positionnant à Fleurus en Belgique au nord-est de Charleroi). Vers 5 heures du matin, nous avons entendu au loin des bruits de bombardements, c'était parait il l'aviation allemande qui opérait sur le secteur.
Passant par Charleroi, Dinant, continuant notre route afin d'aller nous mettre en batterie entre Huy et Liège (au sud-ouest de Liège en Wallonie, partie sud et francophone de la Belgique), au-dessus de la Meuse au surplomb d'une carrière. Nous y avons cantonné, sans avoir utilisé notre armement.
C'est en passant aux alentours de Huy que nous avons vu passer une colonne de réfugiés, parmi eux une grande femme portant un pantalon, la plupart d'entre nous n'avaient jamais vu une femme habillée ainsi, les gars étaient stupéfaits, "voyons une femme en pantalon, c'est impensable !!!".
Durant toute la période où nous étions en Wallonie, nous n'avons rencontré que des routes encombrées de colonnes de réfugiés, composées d'hommes et de femmes mais aussi d'enfants et de vieillards tentant de fuir avec leurs maigres affaires devant l'avancée de l'armée allemande. Certains étaient en voiture mais beaucoup étaient à pied ou dans des charrettes tirées par des chevaux. C'était d'une tristesse de voir ces gens sans défense quittant leur région sans trop savoir où aller pour se mettre à l'abri des mitraillages et bombardements de l'aviation nazie mais aussi pour se protéger des tirs d'artillerie... Certains avaient tout perdu de leurs biens, c'était la débâcle. Par contre, en Flandre qui est la partie nord de la Belgique dont la langue est le néerlandais, nous n'avons pas vu de réfugiés sur les routes. Tout au long de notre parcours entre la Belgique et la France, j'ai été frappé de voir que pratiquement tous les villages et les villes comportaient des maisons relativement récentes, la région avait déjà subi les horreurs de la guerre celle de 1914-1918 avec les destructions massives qui s'en suivirent.
A un moment alors que nous roulions à fond sur la route encombrée de véhicules de toutes sortes et de réfugiés à pied, le passage était très étroit pour pouvoir passer avec mon tracteur et son fourgon, j'ai soudain ressenti un choc : c'était l'arrière du tracteur qui heurtait l'essieu d'une charrette. Il était hors de question de s'arrêter et cela sous aucun prétexte car nous risquions de perdre la colonne. Je n'ai jamais su si des personnes avaient été blessées ou si le véhicule avait été endommagé.
Le dimanche 12 mai 1940, le jour de la Pentecôte, notre groupe a effectué un tir de batterie de 4 obus fusants de façon à pouvoir ajuster les tirs suivants, ces obus dégageant une fumée blanche ou noire permettaient de localiser les points d'impacts, ces tirs avaient pour but de régler les batteries en vue de détruire un pont situé sur la Meuse afin de le mettre hors d'usage et tenter ainsi de freiner l'avancée de l'armée allemande. Presque instantanément, l'ennemi à répliqué par un tir d'obus précis percutants. Nos camarades ont vite compris qu'en restant sur place ils allaient tous y passer, certains se sont mis à pleurer, c'est l'un d'eux qui me l'a rapporté. Les Allemands avaient donc repéré la position de nos batteries par leurs avions de surveillance qui passaient en permanence au-dessus de nous. Ordre a été donné de plier bagages au plus vite pour partir à un autre endroit supposé plus à l'abri, ces 4 tirs sont les seuls à avoir été tirés durant toute la campagne.
Le comble était que les Allemands disposaient de canons tchèques Skoda qui avaient été conçus par des ingénieurs français.
Ce même jour alors que nous subissions des tirs de l'artillerie allemande un adjudant-chef m'ordonna de placer mon tracteur en travers d'un pont enjambant la Meuse pour soit disant arrêter les colonnes allemandes, ordre absurde car ce n'est pas une remorque qui les aurait stoppé, il m'exposait ainsi à une mort quasi certaine, je lui ai dit : "je refuse de le faire sauf si tu viens avec moi", il me répondit : "non, non car moi j'ai 3 enfants", de lui répondre aussitôt : "moi aussi je pourrai en avoir 3 un jour". En fait il avait pris cette initiative seul. Mon commandant informé de ces faits lui passa une engueulade. |
|
|
|