Armand Tilly
de Fontainebleau à Payrin-Augmentel
du 17 mars 1939 au 25 juin 1940
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LE 1er JUIN 1940 L'EMBARQUEMENT POUR L'ANGLETERRE

Le 1er juin 1940, au lever du jour, le colonel nous informa de l'arrivée d'un bateau. Quelqu'un se mit à crier "le 71ème". On nous a fixé rendez-vous au quai des Hollandais, lieu de rassemblement avant d'aller au quai d'embarquement. Alors que nous allions rejoindre le quai d'embarquement nous sommes passés par un passage étroit protégé par des sacs de sable, à l'extrémité de ce passage un civil semblant accroupi nous barrait le passage, je lui ai demandé de s'écarter pour nous laisser passer, comme je n'avais pas de réponse je l'ai poussé d'une main, il s'est écroulé, en fait il était mort, nous ne pouvions pas nous arrêter il fallait filer au plus vite rejoindre notre bateau pour embarquer.
Tout le monde se précipita sur le quai. C'est alors que nous vîmes arriver dans la mi-obscurité le torpilleur LA FLORE. Je me souviens de le voir arriver devant la ligne d'horizon (la soirée du 21 mai voit une nouvelle attaque sur le port de Dunkerque au moment où le Général WEYGAND se trouvait à bord de LA FLORE prêt à appareiller). Ce que je croyais être un garde-côte était, en fait, un torpilleur de la Marine Nationale. Sous les tirs d'artillerie des fusants, nous sommes montés à bord pour nous mettre sur le pont du navire qui était en contrebas du quai d'environ 1.50 m. Ce devait être la basse mer, je me suis mis à bâbord au milieu du bâtiment. Au-dessus se trouvait le poste de vigie. En quelques minutes nous étions tous à bord. Le bateau ne prit pas le temps de s'amarrer à quai, il fallait faire vite. Très peu passèrent en Angleterre avec leur fusil mousqueton. Sans avoir à beaucoup manœuvrer, il prit rapidement la mer. J'étais soulagé de monter à bord de ce bateau, sachant pourtant que tout n'était pas terminé et alors même que je ne savais pas nager.
Nous avions conscience de pouvoir enfin échapper à cet enfer, mais que de chemin parcouru depuis le 10 mai sur les routes comme dans nos têtes.
Le même jour, le 1er juin 1940, le grand écrivain et poète Louis ARAGON embarqua lui aussi à bord de LA FLORE, dans son roman "Les Communistes", il évoque son passage en Angleterre.
Nous étions loin de penser que l'armée Française était en déroute mais qu'une contre offensive allait être organisée.