Le 30 mai 1940, quand nous sommes arrivés à l'entrée de Dunkerque, il faisait nuit (l'armée allemande y entrera le 4 juin). Il fallait franchir trois ponts sous les tirs d'une batterie, quatre obus étaient tirés en quelques secondes en rafale, il y avait ensuite un moment de répit, c'est à cet instant qu'il fallait courir pour traverser les ponts l'un après l'autre en marquant un moment de répit entre chacun, limitant ainsi les risques d'être touché.
Les trois ponts franchis à proximité de ce qui me semblait être le Palais de Justice, en bordure du trottoir, il y avait une fourgonnette Renault mal garée, juste à côté d'un bistrot éclairé intérieurement. Je ne sais pas pour quelle raison le véhicule sans doute touché par un obus explosa suivi d'autres explosions en chaîne qui se produisirent à notre passage, semblant provenir de munitions telles que des balles de mitrailleuses. Heureusement personne ne fut blessé. Pour me mettre à l'abri des tirs de batteries allemandes je me suis abrité un moment le long du Palais de Justice.
Pour passer la nuit nous nous sommes réfugiés avec quelques camarades dans ce qui paraissait être un lieu sûr, descendant dans le noir des escaliers sans trop savoir où nous étions, ne dormant pas de la nuit, les mitraillages et bombardements se faisant pratiquement sans interruption. Le lendemain matin avec effroi on s'aperçut qu'on était dans le bassin d'un chantier naval, une forme de radoub ou cale sèche. On entendait bien de l'eau couler sans se douter un seul instant de l'endroit où nous étions. Une bombe sur une des portes du bassin et celui-ci était inondé, nous ensevelissant car nous nous trouvions en-dessous du niveau de la mer.
Le 30 mai 1940 au soir, 1000 de nos camarades du 71ème RA ont réussi à embarquer pour l'Angleterre. Après y être passé quelques jours ils rejoindront la France par Brest, puis en train prendront la direction de Rennes, mais beaucoup d'entre eux en profiteront aux arrêts dans les gares pour descendre et rentrer chez eux, en particulier mon camarade Aimé LE BAIL de Landébaëron qui fera un court passage chez lui et repartira rejoindre notre unité ensuite dans le Tarn.
Quand nous sommes arrivés au port de Dunkerque, nous n'avons rencontré personne, il n'y avait plus de bateau pour nous, nous étions 225.
Il paraît, que pour embarquer il y avait des quais et bateaux prévus pour les Anglais, d'autres distincts pour embarquer les Français. Certains ont reproché aux Anglais d'avoir refusé d'embarquer des Français, mais il fallait bien que ce soit organisé, sinon cela aurait été la pagaille complète.