Il était prévu d’enlever Roger MADIGOU et d'autres détenus emprisonnés à la maison de la Pépinière de Plouaret, le 6 mai 1944. Je n'ai jamais su qui en avait pris l'initiative.
Amédée PRIGENT (commissaire aux opérations sur le secteur) est venu, un jour, me contacter au Joncourt en Ploubezre pour attaquer les lieux. Nous devions nous retrouver sans armes devant un calvaire situé entre Buhulien et Tonquédec, puis partir à bord d'une traction avant rejoindre d'autres camarades et nous rendre sur les lieux. En tout nous devions être une dizaine.
Eugène et moi, partant du Joncourt à Ploubezre, nous sommes passés chez Amédée ROPARS, minotier au moulin en bas du château de Tonquédec, qui nous a indiqué les petits chemins à prendre pour nous rendre en toute sécurité au lieu du rendez-vous. Nous devions y retrouver en fin de journée Jean NOÉ de Nonancourt, Yves CUDENNEC de Ploubezre et Amédée PRIGENT, formant ainsi un premier groupe.
Au carrefour du calvaire se trouvaient deux hommes en pleine discussion, l'un d'eux portant une culotte de cheval. Comme nous les interpellions pour savoir si nous étions bien au lieu prévu, l'homme à la culotte de cheval est parti précipitamment. J'ai appris par la suite qu'il s'agissait du comte de ROQUEFEUILLE qui avait reçu dernièrement une lettre de menaces avec un dessin de cercueil, ce qui expliquait son brusque départ. Peu après, un bruit de moto a attiré notre attention. Par prudence, nous nous sommes cachés derrière un talus. En fait c'étaient Amédée PRIGENT et Jean NOÉ qui arrivaient. Ils nous ont annoncé que l'opération était annulée parce que les camarades que nous devions libérer étaient partis le matin pour être jugés. C'est la serveuse du restaurant PIRIOU de Plouaret (1), Mademoiselle CHARLES, qui les avait prévenus. L'opération a donc été annulée à 22 heures, au dernier moment, et c’est avec soulagement que je l’ai appris, car je ne voyais pas comment nous aurions pu prendre d'assaut les lieux bien gardés par des militaires armés et entraînés : c'était une opération suicide, je n'ai su qu'en 2011 qui était à l'origine de cette initiative qui aurait mis à feu et à sang le bourg de Plouaret.
Amédée PRIGENT et Yves CUDENNEC furent tués tous les deux lors d'un combat contre les Allemands à Kerguiniou en Ploubezre, le 23 mai 1944, un troisième camarade, Yves DERRIENNIC, fut blessé, fait prisonnier puis massacré le 10 juillet 1944 au bois de Malaunay en Ploumagoar.
(1) Ce restaurant fournissait les repas aux détenus, les frais étant, bien sûr, à la charge des familles.